[Portrait] Robert Gulyas, un géant tombé dans le goulash
Portrait
Avec un poids oscillant entre 120 et 140 kilos, Robert Gulyas n’aurait pu être qu’un épouvantail dans la raquette. Mais, par son intelligence de jeu et ses mains pleines de toucher, le géant s’est fait une place à part dans le championnat de France. Un nounours de 2m13 capable de shooter au large et distribuer les caviars, ça ne court pas les rues. Chalon puis Villeurbanne l’ont bien compris en faisant de Gulyas leur plaque tournante collective.
UN PROSPECT DE POIDS
Dans les années 50, le sport est l’opium du peuple hongrois. Le football avec sa star Ferenc Puskas truste, bien sûr, les faveurs des fans. Mais, la balle orange n’arrive pas loin derrière. Il a suffi d’une qualification aux Jeux Olympiques de 1948 pour que le basket s’organise dans tout le pays. A l’aube d’accueillir l’EuroBasket 1955, la Hongrie ne compte pas moins de 238 clubs pour 8229 licenciés. Pour l’événement, le coach Janos Pader se lance dans un voyage à travers la Puszta pour dénicher des talents locaux. Une recherche fructueuse qui mène à la découverte de Janos Greminger et Tibor Zsiros, deux stars de l’Après-Guerre. Dans une ambiance populaire incroyable délocalisée au NépStadion de Budapest, la sélection nationale surprend tout le monde en remportant la médaille d’or aux dépens des Russes, grandissimes favoris. Il s’agit là, du premier et du seul fait d’arme de la Hongrie à l’échelon international. Très vite, les Hongrois rentrent dans le rang, dans l’anonymat du basket européen. Quelques joueurs parviennent tout de même à sortir du lot, comme Kornel David, premier Magyar à débarquer en NBA ou l’imposant Robert Gulyas, du haut de ses 2m13 !

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Comme Obélix, Robert tombe très jeune dans la marmite de potion magique. 130 kilos sur la balance, on frôle l’obésité. Gulyas grandit à Paks, une ville de 20.000 âmes située en Transdanubie méridionale. Une bourgade célèbre pour sa centrale nucléaire, la seule du pays. Pour occuper ses 2500 salariés, la direction monte, entre autres, un club de basket. Au début des eighties, l’association se professionnalise et recrute des joueurs référencés. Désormais baptisé Atomerömu SE – qu’on pourrait traduire en français par la puissance atomique – le club gravit rapidement les échelons pour accéder à la première division en 1986. C’est dans ce contexte de trajectoire fulgurante que Robert pose ses premiers dribbles chez les jeunes. A 11 ans, il pratique également le football et le judo, mais décide de tout plaquer trois ans plus tard à cause de soucis d’embonpoint. A l’adolescence, il tombe amoureux d’une fille archi-fan de basket. Pour la séduire, il reprend le chemin des parquets. Et là, c’est une véritable bombe à neutrons. Par sa corpulence, il devient le totem de la région, le chouchou du public issu du cru. A 20 ans seulement, il massacre les raquettes dans un style atypique. S’il n’est pas le plus rapide sur le terrain, sa technique fait le reste. Doté d’un footwork exceptionnel pour sa taille, Robert a, en plus, un toucher de velours. Servi au poste, ses feintes et ses kilos lui permettent de prendre l’avantage sur son adversaire pour des finitions près du cercle ou à mi-distance.
Bien aidé par l’international lituanien Darius Lukminas, Robert Gulyas porte Paks dans le peloton de tête du championnat pendant quatre ans au point de décrocher une place en Coupe Saporta lors de la saison 1998-99. Sa première incartade sur la scène européenne. Opposé au Partizan Belgrade pour ses débuts, il se signale en captant plus de rebonds que tous les intérieurs serbes réunis. La réception de l’AEK Athènes en novembre est l’événement de cette phase de poule. Face à l’épouvantail du groupe, Robert se blesse en première mi-temps. Sans son combustible principal, Atomerömu explose. Mais, le géant revient après la pause pour entrer complètement en fusion : 22 points dans son duel contre la légende Joe Arlauckas et une victoire de prestige 87-72 ! Loin d’être ridicules dans cette compétition, les Hongrois ont l’occasion de se qualifier en cas de victoire dans le dernier match. Face au KK Zagreb, Robert ne tremble pas avec une nouvelle sortie à 22 points et un succès 77-62. Surprise, Paks se hisse en 16èmes de finale contre Valence. Un duel trop déséquilibré, malgré les 35 points cumulés en deux matchs de Gulyas. Mais, l’année 1999 n’est pas terminée pour lui. Après trente ans de disette, la Hongrie se glisse enfin dans le tableau final de l’EuroBasket. Lors de la campagne de qualification, il a la main lourde contre les voisins Polonais (24 points) et Russes (23 points et 10 rebonds). Il récidive dans le match d’ouverture contre l’Espagne. Incontrôlable sous le cercle avec 23 unités, Robert permet aux Magyars de virer en tête à la pause (36-27), avant de se faire dépasser dans les dernières minutes. Un scénario identique contre la Russie dans une défaite rageante d’un petit point, 73-72. Gulyas n’a pas à rougir en étant l’homme du match du haut de ses 17 points et 11 rebonds. Le rêve européen s’arrête ici, mais l’essentiel est ailleurs. Désormais, tous les clubs du Vieux Continent salivent devant la puissance atomique du géant.
L’OURS MAL LÉCHÉ DES PYRÉNÉES
Durant l’été, Robert est courtisé par les grosses cylindrées de l’EuroLigue. Il décline des offres en Turquie et en Grèce pour s’engager dans une ligue où les garanties financières sont totales. Il pose donc son baluchon dans le Béarn à Pau-Orthez. Un club habitué aux géants des pays de l’Est après avoir découvert le Roumain Gheorghe Muresan et ses 2,31m. Signé comme renfort étranger, Gulyas prend la place d’un potentiel américain. Une prise de risque pour une équipe tenante du titre. La transition entre le Danube et les Pyrénées se passe sans encombre pour le golgoth magyar : il envoie 15.0 points et 4.7 rebonds jusqu’en décembre pour un bilan de 12 victoires et 13 matchs ! Là où ça coince, c’est en Euroligue. Les prétentions béarnaises sont rapidement revues à la baisse après une série de défaites. 8 points contre le Cibona Zagreb, 7 points contre l’Efes Istanbul, 8 points face à Seville, Robert est pointé du doigt. Au centre des débats, un poids de forme plus proche d’un sumotori que d’un basketteur. La réponse du Hongrois dans le quotidien Sud-Ouest est cinglante :
J’ai déjà perdu seize kilos depuis mon arrivée en France. C’est vraiment beaucoup. Je me sens mieux. Je me souviens qu’il y a deux saisons, j’avais maigri de vingt kilos et du coup je jouais très mal.
La suite du championnat va sonner le glas de l’expérience Gulyas à Pau. L’équipe de Claude Bergeaud enregistre cinq revers consécutifs à partir de fin janvier. Avant de se déplacer chez les Villeurbannais qui les ont rejoints au classement, les Béarnais tentent un électrochoc en limogeant la paire étrangère Aaron Swinson et Robert Gulyas. Statistiquement, le Hongrois n’a pas grand-chose à se reprocher avec 14.6 points à 64,6% de réussite et 5.6 rebonds. Mais, c’est plutôt au niveau de son motivation que le bât blesse. Sa première expérience à l’étranger se solde par un échec et le président Pierre Seillant n’oublie pas d’égratigner le géant au passage :
Avec le recul, je me dis que Gulyas n’est peut-être pas le meilleur choix que l’on ait fait. Attention, ce n’est pas un tocard. Non, lui, son problème, c’est le cœur. On attendait un leader, chose qu’il n’est pas du tout.
UN NOUNOURS AUX RÊNES DE L’ÉLAN
Le parcours de Robert dans l’Hexagone ne s’arrête pas là. Dès l’été 2000, il s’engage avec Chalon-sur-Saône. L’équipe vient de se qualifier deux saisons de suite pour les playoffs, d’où son ambition grandissante. En plus du Magyar, l’Elan recrute le meneur US Stanley Jackson, fraîchement élu Meilleur Joueur de Pro A. Promu en 1996, le club monte progressivement les échelons grâce à une structure saine et un coach, Philippe Hervé, en place depuis 11 ans. Avec son quota d’américains dans l’effectif, Chalon offre à Gulyas le statut de Bosman, pour une pression moins grande que dans le Béarn. Les dirigeants avaient un œil sur le géant dès son renvoi de Pau et se sont précipités sur le dossier avant que les Espagnols et les Italiens s’en investissent. Un pari payant ! Si le Hongrois n’est pas le leader attendu par Pierre Seillant, il détonne, en revanche, par son QI basket. Libéré à Chalon, il impressionne par son jeu de passe et ses lectures peu communes chez un pivot. Son entente est totale avec ses partenaires au poste 4 que ce soit l’expérimenté Stéphane Ostrowski ou le jeune loup Sacha Giffa. En confiance, il n’hésite à prendre des shoots de plus en plus loin, là encore, un anachronisme pour les big men de l’époque. Hors parquet, sa bonhomie lui fait gagner immédiatement le cœur de ses coéquipiers et des fans qui le surnomment Nounours. Début décembre, Robert retrouve son ancienne équipe de Pau. Sa vengeance n’aura pas lieu. Après cinq minutes de jeu, il se blesse. Direction l’infirmerie pour deux mois. A son retour, il accuse 145 kilos sur la balance !
Remettre en état de marche le Magyar n’est pas une mince affaire. Le coach Philippe Hervé compare la tâche aux lumières de la Tour Eiffel qu’il faut rallumer une à une. D’autant que Chalon joue sur plusieurs tableaux. Qualifié pour la Coupe Saporta, l’Elan a réussi la prouesse de sortir de sa poule avec un bilan de 6-4. Gulyas revient pile-poil pour les huitièmes de finale. Une opposition contre Porto qui sert d’apéritif au groupe, vainqueur 80-64 à la Maison des Sports puis 61-56 en terres portugaises. Le tour suivant face à Wloclawek s’annonce plus délicat. Le succès de onze points à domicile paraît être un matelas bien léger avant de se déplacer en Pologne. Un long périple en plein hiver dans une salle chauffée à blanc. Au bout de l’enfer, Chalon parvient à réduire l’écart dans une défaite de neuf points, 63-72. Avec quasiment un tiers des points inscrits de son équipe, Robert est le grand bonhomme de la qualification. La demi-finale propose des retrouvailles avec Valence, déjà affronté en poule, un club au budget deux fois supérieur à l’Elan. Sûr de ses bases défensives, l’Elan crée la surprise en s’imposant en Espagne (72-69) derrière un presque triple double de Stanley Jackson, 19 points, 9 rebonds et 9 passes. Cet exploit fait grand bruit en Saône-et-Loire. Le club est obligé de pousser les murs de la salle pour accueillir le flux de supporters, la semaine suivante. Dans un match couperet et archi-disputé physiquement, Chalon tient la dragée haute à Valence. A 61 partout à une minute du buzzer, Giffa délivre les siens en inscrivant les 5 derniers points. Meilleur marqueur avec 16 unités, Gulyas domine une fois de plus la raquette adverse pour prolonger le rêve européen des Chalonnais.

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Sur la dernière marche, ce sont les Grecs de Maroussi qui les attendent. Une finale jouée sur un match sec en terrain neutre à Varsovie. Pour l’occasion, l’Elan affrète spécialement un avion de 300 places pour les fans. Et ils se font entendre avec le départ en boulet de canon de leurs protégés, avant de déchanter face à l’adresse de Jimmy Oliver (31 points) et la combativité de Vasco Evtimov (18 rebonds). Mené de 15 points à la fin du troisième quart, la messe semble dite. C’est sans compter sur la fierté de cette équipe habituée à renverser des montagnes. Quatre missiles à trois points plus tard, les Chalonnais sont dans le short des Grecs, 72 partout, avec une poignée de secondes à jouer. Philippe Hervé demande de faire faute. Le meneur Sotiris Nikolaidis ne tremble pas sur la ligne. Sur la dernière possession, Mickaël Hay met du temps à transmettre à Ostrowski qui ne peut armer le tir de la gagne. L’Elan s’arrête à deux points du bonheur avec des regrets plein la tête.
A peine le temps de se remettre de leurs émotions que les Chalonnais embrayent quatre jours plus tard en championnat. Toute la difficulté de courir deux lièvres à la fois ! Avec sa campagne européenne, l’Elan a lâché du lest en Pro A et doit se battre jusqu’au bout pour assurer sa place en playoffs. Moment choisi par Gulyas pour passer à table : 23 points et 6 rebonds contre Evreux puis 21 points et 12 prises face à Bourg-en-Bresse pour deux victoires cruciales. Septième de saison régulière, Robert recroise la route de Pau-Orthez dès le premier tour. Il se rappelle au bon souvenir des Béarnais en décrochant une victoire surprise 80-89 à l’extérieur. Seulement la deuxième défaite de la saison des palois dans leur salle, pour une équipe abonnée aux demis depuis dix ans. Dos au mur, Pau a une réaction de futur champion en résistant dans l’enfer de la Maison des Sports malgré les 18 points de Gulyas, puis en arrachant la belle. La défense en zone des Chalonnais leur a permis d’y croire jusqu’au bout, cédant uniquement dans les deux dernières minutes, 71-80.
Après une saison 2001 plus qu’encourageante, l’Elan franchit encore un cap dans sa croissance. Le club déménage pendant l’intersaison dans le Colisée, une enceinte flambant neuve de 4500 places. Pour la profondeur de l’effectif, Chalon signe les anciens internationaux de l’Asvel, Laurent Pluvy et Rémi Rippert. La paire américaine, elle, est estampillée NBA avec l’ancien du Jazz Corey Crowder et Brian Howard, passé par les Mavericks. Tout est en place pour jouer les trouble-fêtes et enlever définitivement l’étiquette de petite équipe. Confirmation avec sept victoires sur les dix premiers matchs. Revenu aux affaires fin octobre, Gulyas se remet en jambe avec 19 points et 9 rebonds… en 18 minutes contre Levallois ! Logique de le retrouver à mi-parcours étrenner sa première sélection pour le All Star Game. Bien installés dans le groupe de tête de la Pro A, les Chalonnais ne lâchent rien jusqu’au bout pour décrocher la quatrième place, synonyme d’affrontement contre Gravelines en playoffs. Dans la première manche, un run de 24-9 au troisième quart-temps libère complètement l’Elan, vainqueur 82-70. Au Sportica, le gros double double de Robert (13 points et 13 rebonds) n’est pas suffisant pour éviter de se faire coiffer au poteau par les Nordistes, 77-79. Mené de 10 points à la pause, dans un match d’appui électrique, Chalon se surpasse dans le dernier quart pour arracher la qualification, 73-66. Pour la première fois de son histoire, l’Elan accède aux demi-finales du championnat de France ! Une performance qui retombe vite comme un soufflé. Encore opposé à ses bourreaux béarnais, Chalon encaisse un shoot clutch de Dragan Lukovski dans le match 1. Au Colisée, Gulyas fait parler sa puissance physique (13 points et 10 rebonds), l’un des rares joueurs à surnager dans un naufrage collectif, 62-79. Comme l’année précédente, Chalon est stoppé dans son élan par les palois.

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LE GÉANT VERT
En pleine ascension, le club de Saône-et-Loire prend pourtant un virage pendant l’intersaison 2002. Dragué par l’Asvel depuis quelques mois, l’entraîneur Philippe Hervé cède aux chants des sirènes. Sacré champion de France, après une attente longue de 21 ans, Villeurbanne fait un surprenant ménage de printemps. À la suite d’un désaccord « culturel » avec le coach Bogdan Tanjevic, l’Asvel le licencie pour le remplacer par l’ancien Chalonnais. Hervé ne déménage pas seul. Dans ses valises, il emporte Sacha Giffa et Robert Gulyas. A 28 ans, le Hongrois rejoint de nouveau une armada blindée pour l’Hexagone et l’Europe. C’est en Euroligue justement que le géant vert tape son premier carton avec 23 points dans une victoire contre le CSKA Moscou. En championnat, en revanche, ses débuts sont plus mitigés. Scouté par les adversaires, les défenses s’adaptent à son physique hors normes. Au grand dam de Philippe Hervé qui pousse sa gueulante :
Oui, il est plus grand, et alors ? On n’a pas à le siffler de la même façon que les autres parce qu’il est plus grand et plus gros ? Et s’il y en a qui viennent à l’impact sur lui ce sont les autres qui reculent ? C’est quand même une grosse problématique. Si un mec rebondit sur lui, cela devient de sa faute. Il n’y peut rien, il fait 2,15 m et 140 kg ! Alors je sais bien qu’on n’a pas l’habitude de ces profils-là dans le championnat de France, mais il faudra quand même un jour faire attention à ce qu’on siffle à Robert. Quand je vois un adversaire qui lui rentre dedans, forcément il vient le percuter au niveau du plexus alors que Robert a les bras levés. Et bien évidemment, quand on vous percute au niveau du plexus, vous avez obligatoirement un réflexe naturel de baisser les bras. Il va falloir se poser la question, parce que Robert est bien gentil, mais il est à deux doigts d’être en larmes sur le banc parce qu’il ne supporte plus ça. Parce qu’on ne siffle pas les contacts sur lui de la même façon à cause de son gabarit.
Un cri de colère qui a le mérite de réveiller le pivot. Robert profite d’un déplacement dans son ancienne salle du Colisée pour lancer sa saison : 25 points à 11 sur 16 aux tirs, 8 rebonds et 3 passes. Dans l’autre derby contre Roanne, c’est lui qui évite l’humiliation contre le promu en égalisant à la dernière seconde d’un missile à 3 points. Victorieux en prolongation, Gulyas bat son record en Pro A avec 26 points et 12 rebonds. Irréprochable jusqu’à la fin de la régulière, le nounours Magyar dépasse encore à quatre reprises les vingt unités pour terminer meilleur scoreur, rebondeur et contreur de l’équipe. Eliminé de l’Euroligue au stade du Top 16, l’Asvel peut se focaliser sur les playoffs pour affronter sa bête noire parisienne, vainqueur deux fois en championnat. Jamais deux sans trois, Paris créé la sensation en s’imposant à l’Astroballe en ouverture. Gêné par l’intérieur Mario Bennett très remuant en défense, Robert n’a pas eu d’impact et c’est tout le jeu collectif villeurbannais qui en a pâti. Mais, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Contraint de l’emporter à Coubertin, le nounours hongrois sort les griffes pour infliger un 10-2 salvateur après la pause. Il sonne la révolte verte en seconde période pour se sortir du guêpier. On le retrouve bave aux lèvres sur le match d’appui pour anéantir les chances parisiennes, 80-65. L’Asvel se fait, de nouveau peur, au tour suivant contre Le Mans. Battu à quatre reprises par le MSB pendant la saison, Villeurbanne passe par une belle pour assurer sa qualification. Avec sept points en trois possessions à deux minutes du terme, Gulyas propulse la Green Team vers sa cinquième finale consécutive.

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Une finale, Pau-Orthez vs Villeurbanne, d’une logique implacable opposant les deux meilleures équipes de régulière. L’historique entre les deux cadors est bien chargé. En 1999 et 2001, alors que l’Asvel méritait le trophée, les palois se sont imposés deux fois à l’Astroballe. Tandis qu’en 2002, c’est l’Elan Béarnais qui avait dominé le championnat de la tête et des épaules. Villeurbanne en proie à des problèmes internes, avait pourtant arraché le titre. Mais, ça, Robert n’en a que faire. Lui, découvre l’ivresse de la finale hexagonale. Avec 11 points en 15 minutes, Gulyas fait des ravages dans la raquette, où son adversaire Rod Sellers ne fait pas le poids. Sa troisième faute stupide à la 18ème minute handicape son équipe en seconde période, l’Asvel sombre dans les grandes largeurs, 95-73. Pour le match 2, Philippe Hervé doit trouver d’autres alternatives offensives pour soulager son pivot. La réponse collective est sans appel avec un carton, 102 à 78. Robert part en mission lors de la belle. Avec 11 points et 5 rebonds en première période, il porte l’Asvel sur ses larges épaules. Mais, l’adresse villeurbannaise n’est pas au rendez-vous et le match dérape après une faute offensive contestable sifflée à David Frigout. Philippe Hervé s’emporte, l’Elan s’envole avec 12 points d’avance. Gulyas ne lâche pas et artille même à 3 points avec réussite pour ramener l’Asvel à -5 à trois minutes du buzzer. Un effort en vain, les palois conservent leur avance, 74-66. Meilleur scoreur et rebondeur du match, Robert échoue encore à une encablure du trophée.
A son retour de vacances, le Magyar s’est laissé aller pour afficher 149 kilos sur la balance. Tout le contraire de la recrue estival de l’Asvel, le meneur de poche, Shawnta Rogers, 1m61 pour 73 kilos. Une version revisitée du duo Laurel et Hardy avec le plus grand et le plus petit joueur de Pro A. En état de pesanteur pour commencer cette campagne, Gulyas est en mode diesel jusqu’en novembre. Quasi une habitude chez lui. En revanche, entre décembre et février, le géant carbure à 18.2 points et 7.3 rebonds. Villeurbanne reverdit avec ses performances. Pas pour longtemps ! En surchauffe par rapport à son poids, Robert se déchire le mollet. Diagnostic, deux mois d’arrêt. L’Asvel passe d’un bilan positif de 11-8 à un terrible 12-17 en son absence. C’est bien simple, sur les dix matchs ratés par le géant, l’équipe compte une seule victoire ! Son retour fin avril ne change pas la donne, Villeurbanne passe complètement à côté de sa saison avec une inhabituelle onzième place. A force de multiplier les pépins physiques, Gulyas apparaît de plus en plus comme un colosse au pied d’argile. Du coup, les dirigeants ne le retiennent pas au terme de son contrat. Le Hongrois quitte la Pro A par la petite porte sans un seul trophée en poche.
UN PAKS AVEC LE CHAMPIONNAT HONGROIS
Son palmarès, Robert part, alors, se le construire un peu partout en Europe. A 30 ans passés, sa puissance physique intéresse encore des clubs d’Euroligue. Il s’engage avec le Dynamo Moscou en 2004 pour être rapidement poussé vers la sortie, toujours pour ses problèmes de surpoids. Il rebondit fin novembre à l’Olympiakos. En Grèce, le rythme de jeu plus lent, lui convient mieux. Il pèse de nouveau dans les raquettes avec un temps de jeu supérieur à celui qu’il recevait à l’Asvel. Le club athénien arrache in extremis sa qualification en playoffs, mais se fait sortir sèchement par son ennemi juré, le Panathinaïkos. Robert s’affiche à 11 points et 5.5 rebonds sur la série, pas suffisant pour créer la surprise. Le Hongrois continue son périple en signant avec Ülker Istanbul, début janvier 2006. L’équipe ne manque pas d’ambition avec le recrutement des stars locales Mirsad Turkcan et Ibrahim Kutluay. Reconverti en sixième homme, Gulyas est parfait avec sa dizaine de points et sa présence dissuasive sous le cercle. A son arrivée, les Stambouliotes enregistrent un bilan de 14-3. En playoffs, Ülker met fin au règne de l’Efes Pilsen de manière cinglante, quatre victoires à zéro. Robert tient là son premier trophée ! Après une pige rapide à Malaga, il enchaîne par un titre de champion d’Ukraine avec Marioupol. La dernière escale de son odyssée européenne. Diminué physiquement, Robert rentre au bercail pour une dernière danse avec son club de toujours, l’Atomerömu de Paks.

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Pendant trois saisons, il tente d’entretenir la flamme de sa passion. Sa seule présence suffit à remplir les salles du championnat, mais ses allers-retours à l’infirmerie s’intensifient. Ses jambes ont de plus en plus de mal à supporter sa charge. En 2009, il parvient tout de même à tenir sa place pour le run en playoffs. Une campagne idyllique, où Paks ne lâche qu’un seul match en quart de finale. Vainqueur 3-0 du Pecs VSK en finale, Robert savoure l’ultime titre de sa carrière, son premier sur sa terre natale. Après avoir parcouru le Vieux Continent et scruté l’organisation de différents championnats, il se montre très critique sur le fonctionnement de la ligue hongroise. A sa retraite, il préfère prendre du recul pour gérer une société spécialisée dans la vente de voitures. Finalement, l’appel de la balle orange est plus fort. Il revient aux manettes de club de Paks, où il gère désormais le recrutement. A sa manière, il tente de faire bouger les choses et rendre son championnat plus attractif :
Si notre championnat était un tremplin, ça serait plus facile pour nos joueurs de se faire recruter par une ligue plus forte. Sur cinq cents joueurs étrangers, je ne peux en citer que quelques-uns qui ont tenu bon ici, comme Chris Monroe ou Marcellus Sommerville. Notre attractivité n’est pas grande et trop tournée vers l’intérieur. Le basket est le reflet des conditions qui prévalent dans le pays. Beaucoup de gens croient détenir la vérité et ceux qui s’intéressent vraiment à ce sport sont supprimés. Un joueur étranger rêvant de faire carrière ne viendra jamais ici.
STATISTIQUES ET PALMARES
- Stats Pro A : 13.4 points à 59,7% aux tirs, 6.1 rebonds et 1.2 passe décisive
- Stats Equipe de Hongrie : 14.5 points à 58,7% aux tirs et 5.4 rebonds
- 2 sélections au LNB All Star Game (2002 et 2003)
- Finaliste de la Coupe Saporta (2001)
- Finaliste du Championnat de France (2003)
- Finaliste de l’EuroCoupe (2007)
- Champion de Turquie (2006)
- Champion d’Ukraine (2007)
- Champion de Hongrie (2009)
ROBERT GULYAS EN IMAGES
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