Le premier « grand » duel Allen Iverson – Kobe Bryant
NBA
19 mars 1999, c’est la rencontre que tous les fans de basket américain attendent avec impatience. Les Lakers de Shaq et Kobe contre les 76ers d’un des plus gros phénomènes de la saison, Allen Iverson. Pour la première fois de l’année, la salle de Philadelphie est pleine à craquer, pas un siège vacant. Personne ne veut rater le duel entre les deux jeunes stars montantes de la NBA.
Après des mois difficiles dû au lock-out, la ligue américaine met du temps à revenir dans l’esprit des fans. Sans Michael Jordan, qui va devenir la nouvelle icône ? Vince Carter fait la tournée des highlights, Tim Duncan fait dans l’efficacité et Shaquille O’Neal dans la férocité. En évoluant enfin titulaire et avec un jeu proche de l’ancienne superstar de Chicago, Kobe Bryant est incontestablement l’un des chouchous du public. Un petit bonhomme de l’autre côté des Etats-Unis commence sérieusement à faire parler de lui. Même cuvée que Kobe, Draft 1996, mais destinée opposée. Allen Iverson fut critiqué assez sèchement au cours des deux premières années de sa carrière. Trop égoïste, irrespectueux et une équipe qui perd.
Avec l’arrivée de Larry Brown l’an passé, on a vu du mieux sur la seconde partie de la saison. Il fallait convaincre de la progression. Quelques changements dans l’effectif avec l’arrivée de soldats (Matt Geiger, Tyrone Hill, George Lynch) et le décalage d’Iverson au poste 2. Un backcourt de petite taille aux côtés d’Eric Snow, illustre inconnu qui n’était qu’une simple doublure de Gary Payton à Seattle. Le mot d’ordre, défense de feu et carte blanche en attaque pour Ivy. Aussi peu probable que ça puisse paraître, la mayonnaise prend et Phila ne fait plus rire.
Au moment de rencontrer les Lakers pour le choc du mois de mars, les 76ers sont à 14 victoires et 9 défaites. Un bilan inespéré. Los Angeles doit faire sans Dennis Rodman, porté disparu depuis ses nombreuses sorties nocturnes à flamber son pognon à droite et à gauche. Mais si le poste d’ailier fort traîne la patte sans Dennis la malice, le trio d’all-stars Shaq-Kobe-Rice n’a aucun équivalent sur la puissance offensive. Encore faut-il avoir un peu de maturité et de discipline pour pouvoir exécuter efficacement les consignes qu’on leur donne. Entre le pivot et le jeune numéro 8, la guerre des egos fait rage au sein des vestiaires et des médias. KB8 et AI face à face, il n’en faut pas plus pour motiver les jeunots à s’octroyer le droit de jouer les pistoleros pour voir qui est le meilleur. Kobe est originaire de Philadelphie, le simple fait de constater que son nouveau rival est devenu la coqueluche de son ancien fief, touche son amour-propre. Il faut calmer le petit gars qui incendie toutes les défenses adverses, le meilleur scoreur de la ligue.

Allen Iverson tout sourire sur son duel avec Kobe Bryant – Photo by Tom Mihalek/AFP/Getty Images
Derek Harper étant le meneur titulaire à 37 ans, il serait un peu suicidaire de le laisser s’occuper d’un dragster avec 14 années de moins au compteur. Kobe hérite du boulot et ça ne va pas être une partie de plaisir. Dès les premières minutes, Iverson canarde dans tous les coins et il va même humilier son homologue des Lakers sur une série de dribbles croisés avec le shoot sur la tête. Une action qui va faire le tour des télévisions mondiales, des highlights hebdomadaires et cerise sur la gâteau, immortalisé au ralenti en gros plan pour un clip « I Love This Game ». Le match était passé en France en différé un samedi et ce moment précis avait laissé un nouveau classique de George Eddy au micro de Canal+:
« Bryant a dû ramasser son slip avant de repartir en attaque »
Les Lakers vont toutefois prendre le large dans le deuxième quart-temps, jusqu’à dix points d’avance. Phila subit une panne offensive d’Iverson pendant que Shaq et Kobe alimentent la marque de leur équipe. En l’espace de quelques minutes, la tendance s’inverse. Le collectif est de rigueur chez les 76ers, la domination au rebond et la défense coupe les lignes de passes. Bryant enchaîne les dribbles en mode playground, c’est à dire inutile dans la mesure où ça se finit invariablement mal. Un coéquipier seul, il préfère y aller en solo. Los Angeles se liquéfie sans le Shaq, diminué par les fautes. Aucun point de fixation, Glen Rice limite la casse sur ses shoots lointains. Du sabotage comme les Lakers ’99 nous ont habitué du début à la fin de cette saison écourtée.
Ils ont beau envoyer Derek Fisher et surtout Kobe Bryant sur le lutin de Phila, la sanction est la même. Trop vif et imprévisible. Iverson profite au passage pour établir son nouveau record de tirs tentés (36 ! ). Mais aussi de remporter sa première victoire en scorant 40 points ou plus. Jusqu’à présent, il était sur sept revers consécutifs dès qu’il passait ce seuil. Avec ça, il gagne son duel avec Kobe et conserve un écart sur Shaq en tant que meilleur scoreur de la ligue. Bref, une soirée réussie.
Pour Kobe, cette défaite lui procure un goût amer et plus que le revers, c’est l’humiliation subie qui reste. Le sentiment de revanche est palpable sur la déclaration ci-dessous, pour la même affiche, un an plus tard.
« Ce match a été une référence pour moi. J’ai subi des moqueries à travers les médias et c’est devenu une affaire personnelle. Dès ce moment-là, j’ai commencé à étudier chaque fait et geste d’Allen. J’ai scruté le moindre de ses matchs, de ses mouvements, chaque détail, du lycée à la NBA. J’ai fait des recherches dans les journaux sur tous les articles parlant de lui. Ses forces, ses faiblesses, toute ouverture possible où je pourrais le battre.
En cherchant à le museler, on m’a conseillé de regarder et d’étudier attentivement les grands requins blancs sur leur mode de chasse face aux phoques. La patience, le timing, chaque angle d’attaque. Phil Jackson m’a envoyé m’occuper d’Iverson sur toute la seconde période. Il n’a pas inscrit le moindre point. Je voulais lui faire ressentir toute la frustration que j’avais eu, que c’était son tour et bien sûr, envoyer un message à tout ceux qui m’avaient pris en grippe. »
Les stats d’Allen Iverson: 41 pts – 17/36 aux tirs – 5 rebonds – 10 passes et 2 interceptions en 45 minutes
Les stats de Kobe Bryant: 23 pts – 9/16 aux tirs – 2 rebonds – 2 passes en 41 minutes
LES HIGHLIGHTS DU MATCH D’IVERSON
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LE BOXSCORE
Crédits photo : Laurent Rullier
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