[Portrait] Don Ohl – Les playoffs comme moteur
Portrait
Avant Earl « The Pearl » Monroe, il y a eu Don Ohl. Moins connu que son glorieux successeur, ce dernier n’en était pas moins un arrière de grand talent. Sa qualité de shoot de loin et ses performances dans les grands moments lui ont permis d’écrire les premières pages notables de l’histoire des actuels Wizards.
L’histoire de la franchise des Wizards commence en 1961. Alors que seules huit des dix sept équipes originales de la NBA ont survécu aux années 1950 et qu’aucune nouvelle équipe n’a émergé sur la période, la première équipe d’expansion voit le jour à Chicago. Ils passent deux saisons à Windy City en prenant dans un premier temps le nom de Packers avant de devenir les Chicago Zephyrs en 1962. Sportivement cette période est un échec, enchaînant une saison avec un bilan de 18-25 (dernier de NBA) puis 25-55 (avant-dernier de NBA). Mais l’espoir pour l’avenir est présent grâce à deux titres de Rookie of the Year : Walt Bellamy en 1962 avec une ligne statistique de 31.6 points (2e en NBA) et 19 rebonds (3e en NBA), puis Terry Dischinger (25.5 points, 8 rebonds). Pour la saison 1963-64, l’équipe déménage à Baltimore et ressuscite la franchise des Bullets (1944-54, championne ABL en 1946 et BAA en 1948). Cette saison est moins décevante que les précédentes, avec un bilan à 31-49 ils prennent leurs distances avec le bas du classement mais toujours pas de playoffs en vue. Le soutien populaire commence cependant à apparaître, poussé notamment par le style spectaculaire de joueurs comme le jeune Gus Johnson.

Putback de Gus Johnson (1965-66)
La franchise semble prête à passer un cap mais manque de scoring de la part de ses arrières. Heureusement pour eux, c’est à ce moment que notre protagoniste entre en scène. Né à Murphysboro (IL) le 18 Avril 1936, Don Ohl passe son enfance dans l’Illinois et plus précisément à Edwardsville où il s’initie au basket. Avec ses 1m90 pour 85kg, il s’établit sur le poste 2. Travailleur acharné dès son plus jeune âge, il développe un tir à distance fiable qu’il semble capable de mettre dans n’importe quelle position. Après un cursus de 3 ans à l’University of Illinois, il est drafté par les Philadelphia Warriors au cinquième tour de la draft 1958 mais choisit de passer les saisons 1958-60 avec les Peoria Cats de National Industrial Basketball League (NIBL). Equipe affiliée à l’entreprise Caterpillar, les Cats sont dans l’élite du monde amateur, ayant représenté les USA lors de leur premier titre aux championnats du monde FIBA de 1954. Beaucoup de joueurs font alors le choix du basket amateur dans l’optique de potentiellement participer aux JO. Le tournoi étant, à cette époque, interdit aux professionnels. Ce n’est pourtant pas ce qui a motivé Don Ohl, qui doutait tout simplement d’avoir le niveau pour jouer en NBA, et la NIBL lui permettait d’avoir un emploi dans l’entreprise sponsor en parallèle.

Don Ohl sous le maillot des Tigers d’Edwardsville High School
Pendant ces deux ans, Ohl va commencer à croire en ses capacités, fort d’une sélection NIBL All-Star en 1959 et une sélection AAU All-American (Amateur Athletic Union) en 1960. Il remporte également le AAU Tournament avec Peoria en 1960 grâce à l’ajout de Bob Boozer, 1e choix de la draft NBA 1959 qui a choisi de passer une saison en amateur pour aller aux JO de Rome en 1960. Afin de sélectionner les joueurs retenus pour les Jeux Olympiques, il faut choisir entre des joueurs NCAA et AAU qui se livrent une bataille pour le contrôle de l’équipe. Un tournoi de sélection entre des équipes universitaires et amateurs a donc lieu et Don Ohl y participe avec les Cats. Malheureusement pour lui, il ne fera pas partie de la sélection finale, écarté tout comme des talents universitaires tels John Havlicek ou Lenny Wilkens. Mais ce tournoi reste un tournant car Dick McGuire, coach des Pistons, y assiste et est particulièrement séduit par Ohl. Il rachète les droits du joueur aux Warriors et le convainc d’enfin rejoindre la grande ligue.
Et l’on peut dire que Dick McGuire a eu le nez fin en le recrutant, car Don Ohl est un joueur avec une palette offensive très variée. Comme précisé, Ohl se démarque avant tout par sa qualité de tir, capable de marquer régulièrement à 7 m ce qui est précieux pour le spacing à une époque sans ligne à 3 points. Mais ce n’est pas sa seule arme, grâce à sa vitesse et sa qualité de dribble, il est capable de déposer son vis-à-vis pour accéder au cercle et finir avec son touché :
Sans être un défenseur un défenseur d’élite il est investi de ce côté du terrain et ne recule pas face aux arrières contemporains (Oscar Robertson, Jerry West ou Sam Jones). On peut le voir ci-dessous interceptant la balle dans les mains d’Elgin Baylor avant de partir seul en contre attaque :
Bien que spécialisé dans le scoring, il sait également mettre ses partenaires dans de bonnes dispositions, finissant dans le top 20 des passeurs sur cinq de ses six premières saisons. Ci-dessous une superbe bounce-pass pour Bailey Howell :
A son arrivée à Detroit, Ohl est relégué au second plan par le duo Gene Shue/Bailey Howell. Il réalise malgré tout une saison rookie correcte avec plus de 13 points par match et une place de titulaire rapidement glanée. Il gagne rapidement en expérience avec notamment une première série de playoffs (malgré un bilan de 34-45) contre les Lakers et leur jeune arrière Jerry West qui passeront en cinq matchs. Au fur et à mesure des saisons son scoring augmente, et avec le départ de Gene Shue à l’été 1962 il score plus de 19 points/match tout en assumant un plus grand rôle à la création. Ses performances lui valent deux sélections au All-Star Game avec les Pistons en 1963 et 1964. Mais c’est surtout en playoffs où il marque les esprits, comme sa série contre Oscar Robertson et les Royals en 1962 où il score 24 points par match et mène son équipe aux finales de conférence. Ses duels avec Jerry West, bien qu’ils tournent toujours à l’avantage de ce dernier, deviennent un rendez-vous annuel immanquable en post-saison.
Mais la saison 1963-64 marque un léger coup d’arrêt. Suite au départ du coach Dick McGuire, remplacé par Charles Wolf, l’ambiance dans l’équipe se détériore et les résultats s’en ressentent. Avec un bilan final de 23-57, les Pistons sont à une défaite des Knicks derniers de la ligue. Même si son scoring a légèrement baissé sur la saison, Don Ohl reste All-Star et sa valeur sur le marché va donner envie à Detroit de mettre en place un deal pour chambouler l’effectif et se relancer. Le premier trade de grande envergure de l’histoire de la ligue est organisé, les Pistons envoient Don Ohl à Baltimore, accompagné de Bailey Howell, Bob Ferry, Les Hunter et Wali Jones contre Terry Dischinger, Don Kojis et Rod Thorn. Pour les Pistons, ce transfert tournera à l’échec cuisant, car après une série de 14 participations consécutives en playoffs remontant à 1950, ils se contenteront par la suite d’une apparition au premier tour en dix saisons.
Côté Bullets en revanche, l’optimisme est de rigueur car la perte de Dischinger semble largement compensée. Avec Gus Johnson, Bailey Howell et Walt Bellamy sur les postes 3 à 5 et Don Ohl pour assurer le scoring extérieur, les Bullets ont la deuxième meilleure attaque de la ligue sur la saison 1964-65. La défense étant de loin la pire, le bilan ne dépasse pas 37-43 mais l’équipe parvient tout de même en playoffs pour la première fois de son histoire. Ohl est à nouveau All-Star et va encore une fois élever son niveau en playoffs. Opposés aux St Louis Hawks, les secteurs intérieurs se neutralisent et c’est Ohl, et son coéquipier du back-court Kevin Loughery, qui font la différence. Limitant Lenny Wilkens et Richie Guerin à de faibles pourcentages au tir, le duo va de son côté avoir une adresse insolente. Avec Ohl meilleur marqueur à 22 points/match, les Bullets sans l’avantage du terrain parviennent à éliminer St Louis 3-1 et atteindre les finales de conférence. Face à eux se présentent les Lakers, cette fois privés d’Elgin Baylor (suite à une terrible blessure au genoux lors du premier match), et donc avec un Jerry West seul maître à bord. Dans cette série, Mr Clutch va se montrer digne de son surnom, réalisant la plus grande série de l’histoire NBA au scoring. Vis-à-vis direct de West, Don Ohl est au premières loges pour assister aux 49 points du Logo lors du premier match. Se promettant de ne plus le laisser marquer autant, il en encaisse 52 lors du deuxième match. Pourtant les Bullets s’accrochent, et Ohl n’y est pas pour rien, avec ses 29 points par matchs à 50% au tir, il permet aux siens de survivre jusqu’au Game 6. Les Lakers s’imposent finalement à Baltimore dans un match serré pour clore une série sur laquelle Jerry West aura laissé une empreinte indélébile : 46.3 points, 5.8 rebonds et 6.8 passes décisives.
Pendant les saisons 1965-66 et 1966-67, suite au trade de Walt Bellamy, Ohl devient la première option en attaque. Il score plus de 20 points/match ces deux années et ajoute sa quatrième puis cinquième participation consécutive au All-Star Game. Mais les résultats ne s’améliorent pas, au contraire. Lors de la campagne de playoffs 1966, les Bullets se font sweeper par les Hawks malgré, cette fois ci, l’avantage du terrain et un Don Ohl à 27 points/match. La saison suivante l’équipe retombe dans les profondeur de la NBA avec le pire bilan (20-61). La faute à une instabilité à tous les niveaux. Sur les trois ans et demi que Don Ohl passe à Baltimore, il assiste à cinq changements de coach. De plus, seuls deux joueurs présents dans l’effectif à son arrivée le seront encore à son départ : Kevin Loughery et Gus Johnson. Mais l’objectif de la franchise est de mettre la main sur la perle rare quitte à sacrifier le reste de l’effectif pour l’obtenir. Ils pensent finalement la trouver lors de la draft 1967 en la personne de Earl Monroe. Et malgré ses états de service, Don Ohl ne fait pas exception dans cette stratégie de transferts compulsifs. Sacrifié pour laisser Monroe en charge, Ohl est envoyé chez les St Louis Hawks en plein milieu de la saison 1967-68, contre l’intérieur Tom Workman et un troisième tour de draft.

Don Ohl sur les épaules de Willis Reed
On pourrait crier à l’affront pour un joueur qui est encore aujourd’hui le meilleur scoreur par match en playoffs dans l’histoire de la franchise des Wizards avec 26.2 points/match devant… Earl Monroe. Pourtant Don Ohl est heureux d’arriver à St Louis et de rentrer à quelques kilomètres de chez lui. Ironie due sort, à peine six mois plus tard les Hawks déménagent à Atlanta où Ohl reste tout de même deux saisons supplémentaires. Pendant ses trois saisons chez les Hawks, ses meilleures années son derrière lui, mais il sort du banc et assure la rotation sur les postes arrières derrière Lou Hudson, Lenny Wilkens ou Walt Hazzard.
Il sort finalement de la rotation d’Atlanta en fin de saison 1970 et ne sera pas protégé pendant l’Expansion Draft de l’été à venir. Les Cavaliers, tout juste formés, le sélectionnent mais il décide plutôt de faire ses adieux au monde du sport. Par la suite il se reconvertit dans le secteur des assurances bancaires jusqu’en 2001 où il prend sa retraite pour s’occuper de sa femme victime de la maladie d’Alzheimer. Élu au St Louis Sports Hall of Fame en 2017, Ohl n’a probablement pas eu une carrière historique. Il reste néanmoins un joueur qui a su hausser son niveau de jeu en playoffs et se faire une place parmi l’élite de ses contemporains.
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