Breaking News

1994 : les Razorbacks de l’Arkansas à l’assaut du Final Four NCAA

NCAA

Montage Une : Anthony Jeffrey pour Basket Rétro

Nous sommes le 4 avril 1994, et comme tous les ans à la même période, la planète basket retient son souffle. C’est le coup d’envoi de la finale du tournoi universitaire NCAA qui va être donné. Ils ne sont plus que deux équipes à pouvoir prétendre au titre suprême. D’un côté, les Duke Blue Devils coachés par la légende Mike Krzyzewski. De l’autre, les Arkansas Razorbacks, emmenés par un entraîneur jusque là presque méconnu : Nolan Richardson.

FOUGUEUX SANGLIERS OU DIABLES EXPÉRIMENTÉS ?

Vous pouvez demander à n’importe quel fan de basket à travers le monde, personne ne manquerait la finale NCAA. Pour preuve, même le président des Etats-Unis de l’époque, Bill Clinton, honore les joueurs de sa présence au Charlotte Coliseum, là où se joue la finale en 1994 entre Arkansas et Duke. Lui, le natif de l’Arkansas qui rêve secrètement que ses Razorbacks remportent enfin le premier titre de leur histoire, est là dans les gradins, malgré les remontrances et les mises en garde de son entourage. Mais avant d’envisager de pouvoir soulever le trophée, Arkansas aura fort à faire. Pour arriver jusqu’en finale en 1994, les Razorbacks ont déjà dû évincer tour à tour des équipes comme North Carolina, Georgetown ou encore Michigan. Les voilà désormais face à une montagne au visage diabolique : les Blue Devils de Duke.

ARK7Duke, à ce niveau de la compétition, ce n’est plus une surprise pour personne. Ils disputent ici leur septième Final Four en neuf saisons et ils ont décrochés les titres de 1991 et 1992. Tout sauf des novices. L’expérience est clairement du côté des joueurs de coach K. considéré tout simplement comme le meilleur entraîneur de College des USA. Mais les Razorbacks n’ont pas franchement le physique de la victime toute désignée. Les joueurs de Nolan Richardson sont prêts à en découdre.

C’est une bande de potes et chacun des joueurs de l’Arkansas est prêt à mourir sur le parquet pour les beaux yeux de leur coach qu’ils considèrent tous comme un mentor. Certes, ils sont novices à ce niveau, mais ne viennent-ils pas d’enregistrer le plus haut pourcentage de victoire de la saison avec un affolant taux de 91,2% de matchs remportés (31 victoires – 3 défaites) ?. Ces statistiques ne suffisent pas à faire des Razorbacks les favoris de la rencontre, comme le déclare Rick Pitino, le coach des Kentucky Wildcats :

« Duke va gagner. Ils sont moins forts, mais ils sont plus intelligents. Et surtout ils ont Krzyzewski ».

Encore ce déficit d’expérience qui revient sur le tapis.

AU NOM DU PÈRE

ARKANSAS V UCLAMais les Razorbacks ont dans leurs manches plusieurs atouts qui pourraient faire pencher la balance et le score en leur faveur. Tout d’abord sur le banc, Arkansas dispose de l’un des coachs les plus charismatiques de sa génération : Nolan Richardson. En place depuis 1985, Richardson est un coach qui mouille la chemise et qui n’a pas son pareil pour motiver ses troupes. Adepte d’ un jeu rugueux et d’une grosse défense individuelle, coach Richardson aime mettre la pression sur ses adversaires sur la totalité du terrain. Un système qui sera rapidement surnommé  » 40 minutes en enfer « .

Objectif avoué : empêcher que les schémas offensifs de la partie adverse ne se mettent en place. Offensivement, les Razorbacks peuvent compter sur la vitesse d’exécution de leurs contre-attaques. Nolan Richardson, que ses joueurs considèrent comme un père, n’hésite pas à occuper le terrain médiatique pour permettre à son effectif de se concentrer sur l’essentiel. Et c’est un Nolan Richardson remonté qui se présente face à la presse quelques heures avant le coup d’envoi de la finale afin de balancer quelques vérités qui ne font pas toujours plaisir à entendre :

« Si j’étais blanc, on aurait déjà construit une statue pour saluer mes performances. Ici on ne respecte pas le travail des coachs noirs. Vous voulez un exemple ? Lorsque Pitino ou Krzyzewski demandent à leurs joueurs d’évoluer en fast-break, on appelle ça jouer en up-tempo. Lorsque mon équipe fait la même chose, on appelle ça du basket de nègre ».

Une méthode de travail qui permet à la fac de l’Arkansas de passer une moyenne de 94 points aux défenses adverses, alors que dans le même temps les joueurs de Richardson encaissent seulement 76 unités de moyenne. Un différentiel de quasiment vingt points qui valide de façon certaine les qualités et l’exigence de la politique de Richardson. Un Nolan Richardson qui entend bien déjouer les pronostics et jouer un sale tour aux Blues Devils, lui qui se déclare programmé pour gagner :

« Je suis un survivant. Il faut me tuer pour m’arrêter. J’aime gagner. Et gagner, c’est une habitude ». 

Le décor est planté.

« BIG NASTY », L’ATOUT PLEIN D’IMPACT

ark2Les Razorbacks peuvent également compter sur un autre atout pour espérer s’adjuger la victoire finale. Il mesure 2m01 et pèse plus d’une centaine de kilos. Cet ailier aux allures de déménageur breton que l’on surnomme « Big Nasty », c’est Corliss Williamson. Comparé à l’emblématique Larry Johnson, Williamson est la valeur sûre de l’effectif des Razorbacks. Un effectif qu’il mène aux points et aux rebonds avec des moyennes respectives de 20,4 points par match et 7,7 rebonds. C’est lui la star de l’équipe. Et c’est lui qui peut résumer le mieux le style et les qualités de sa formation et de ses coéquipiers :

« Il nous faut une interception, un bon shoot, un dunk ou une erreur d’arbitrage. Il nous faut souvent un petit truc pour mettre le feu. Ensuite c’est comme un vieux film noir et blanc qu’on connait par cœur : on devient irrésistible ».

Avant de rejoindre la grande ligue pour y vivre une carrière plus qu’honorable (meilleur sixième homme en 2002, champion NBA en 2004 avec les Pistons de Detroit), il reste une mission à accomplir pour  » Big Nasty  » : emmener Arkansas vers la victoire !

LA CHARGE FINALE DES RAZORBACKS

ARK6Le match est disputé. Bill Clinton, bien calé derrière son blindage en plexiglass peine à masquer son inquiétude. Les deux équipes se rendent coups pour coups et bien malin sera celui qui pourrait deviner l’issue de cette finale. La mi-temps intervient alors que les deux formations sont au coude-à-coude. Arkansas est devant d’un tout petit point, 34-33. Tout reste à faire.

Au retour des vestiaires, Monsieur le président s’enfonce inexorablement dans son fauteuil. Les Blue Devils ont profité de la pause pour affuter leurs fourches. Cherokee Parks (15 points) ou Grant Hill (12 points) passent la seconde, et l’écart commence à se creuser à l’avantage de Duke. Le tableau de marque affiche alors un retard de 10 points pour Arkansas : 38-48. C’est le moment choisi par Nolan Richardson pour intervenir. Time-out. Le manque d’expérience dont tout le monde parlait avant la rencontre sera t-il insurmontable pour les Razorbacks ? C’était sans compter sur la gouaille et la roublardise de Richardson. Corliss Williamson et son équipe reviennent avec d’autres intentions.

Les Razorbacks bousculent tout sur leur passage et récitent enfin leur basket. Les effets sont immédiats. Arkansas plante un 21-6 et relance plus que jamais l’intérêt de cette finale qui va se jouer dans le money-time, ça ne fait plus aucun doute. Il reste une minute trente à jouer. Grant Hill prend ses responsabilités et marque un panier à trois points qui permet à Duke d’égaliser à 70 partout. Le chassé croisé se poursuit. Dernier temps mort pour les Razorbacks. La foule s’attend à ce que la gonfle termine sa course dans les mains de Corliss Williamson, auteur jusque-là d’une rencontre de haut niveau (23 points et 8 rebonds au final), mais la possession est longue. Le ballon circule, encore et encore. Les secondes s’égrainent sur l’horloge. Le cuir atterrit finalement entre les mains de Scotty Thurman.

L’ailier est la seconde option offensive d’Arkansas. Il facture cette saison-là 15,9 points par match. Il reste une seconde pour prendre le shoot. Le numéro 30 des Razorbacks ne réfléchit plus, il s’élève. Antonio Lang, son défenseur fond sur lui, il est proche, sa main effleure le ballon qui prend alors la direction du cercle. Swish ! Nothing but net. La foule exulte et les Razorbacks compte désormais 3 points d’avance à 48 secondes de la fin de la rencontre. Les Blue Devils n’en reviendront pas. C’est même un dernier lancer-franc de Clint McDaniel qui va venir sceller le score de cette rencontre. 76-72.

POUR YVONNE ET POUR LE PRÉSIDENT

ARK4Nolan Richardson et ses joueurs inscrivent enfin le nom de l’Arkansas sur les tablettes du basket universitaire. Bill Clinton a les yeux rouges et il étreint longuement coach Richardson. La presse se tourne vers  » Big Nasty « , le meilleur marqueur du match et accessoirement le MVP de ce Final Four 1994 avec des stats gargantuesques. Jugez plutôt ; 26 points, 10,5 rebonds et 4 passes décisives par match. Il livre alors à chaud son analyse de la rencontre aux journalistes :

« Si vous mettez sur un ring de boxe un gringalet ultra intelligent et un molosse idiot comme une andouille, qui aura raison de l’autre ? A votre avis ? »

Non, les Razorbacks ne sont pas une bande de molosses idiots, mais a force de leur rabâcher que Duke était plus intelligent qu’eux, normal que Williamson remette les pendules à l’heure au terme de cette partie. Le plus bel hommage viendra du camp adverse. Beau joueur, Mike Krzyzewski, le vaincu du jour rend un hommage appuyé et sincère à ses adversaires et au travail de son homologue :

« Super Match. Super équipe. Ils méritent le titre sans problème ».

Alors que les lumières du Charlotte Coliseum commencent à s’éteindre et que seuls les cris victorieux des joueurs de l’Arkansas continuent de résonner, Nolan Richardson peut lui, enfin souffler. Seul dans un coin du vestiaire, il  dédie cette victoire à Yvonne, sa jeune fille décédé en 1987 d’une leucémie. Un rituel que coach Richardson adopte après chaque match remporté par ses joueurs :

« Je lui parle. Et je conclus toujours par les même mots : chérie un de plus. Nous avons gagné un match de plus. Rien que pour toi ».

Un simple match de plus certes. Mais quel match !

L’HERITAGE DE NOLAN RICHARDSON

williamson_170_020423De cette équipe talentueuse de 1994, rares sont les joueurs à avoir carrière au plus haut niveau. Corliss Williamson est bien entendu l’exception qui confirme la règle. Le pivot Darnell Robinson est avec  » Big Nasty  » le seul Razorback à avoir été drafté en NBA. Ce sont les Mavs de Dallas qui le sélectionne en 1996, mais il n’endossera jamais la tunique texane. Il participe à un training-camp avec les Sixers en 2000, mais le résultat est le même. On retrouve sa trace en Europe où là encore, ses performances ne resteront pas dans les annales. Les arrières Corey Beck et Clint Mcdaniel auront un peu plus de chance. Ils intégreront la Grande Ligue en tant que free-agent. Beck jouera pour Charlotte et Toronto cumulant 88 matchs en 4 saisons régulières. McDaniel, de son côté, évoluera à Sacramento pour une douzaine de rencontres.

Une misère. Scotty Thurman, le héros de la finale de 1994 ne foulera jamais les parquets de la Grande Ligue. Il prendra la direction notamment de la Grèce avant de revenir jouer en ABA pour les Arkansas Rimrockers. A la vue de l’absence flagrante de joueurs majeurs dans cette équipe victorieuse du Final Four NCAA 1994, il est possible de mettre en perspective le travail et l’influence décisive du travail de Nolan Richardson sur son effectif. Un effectif qu’il parviendra à pousser dans ses derniers retranchements pour en tirer le meilleur grâce à ses méthodes et son style de jeu. L’année suivante, en 1995, Arkansas est tout proche de conserver son titre, mais c’est finalement UCLA qui s’impose en finale sur le score de 89-78. Richardson restera à la tête des Razorbacks jusqu’en 2002, un poste qu’il occupait depuis la saison 1985. C’est à la suite d’un différend avec l’université qu’il est démis de ses fonctions. En 1994, Richardson déclarait d’ailleurs presque comme une prédiction :

« Si je perds, c’est parce que je suis un mauvais coach et si je gagne c’est parce que mes joueurs sont de bon athlètes. Vous comprenez la mesquinerie du problème ? « 

NCAA CHAMPIONSHIP

Avec 560 rencontres disputées sur le banc des Razorbacks pour un bilan positif de 390 victoires et 170 défaites, Nolan Richardson est devenue au fil des années une figure incontournable du basket dans l’Arkansas. Depuis son départ, les Razorbacks n’ont plus jamais atteint les huitièmes de finale du tournoi NCAA. Il ne tarde pas à rebondir en devenant tout d’abord sélectionneur de l’équipe nationale du Panama puis il s’installe aux commandes de l’équipe nationale Mexicaine. En 2008, il est intronisé au National Collegiate Hall Of Fame avant d’être nommé General Manager de la franchise WNBA des Shocks de Tulsa.

Une façon de boucler la boucle puisque c’est là que tout avait commencé au niveau universitaire pour Richardson en 1980 sur le banc des Golden Hurricane, l’équipe locale avec laquelle il remportera le National Invitation Tournoi en 1981. En 2014, Richardson se retrouve aux côtés des plus grands noms de l’histoire du basket en intégrant le Naismith Memorial BasketBall Hall Of Fame. Reconnaissance ultime de son impact et de son rayonnement au sein du monde de la balle orange. Aujourd’hui, ce n’est peut être pas seulement le fruit du hasard si Corliss Williamson tente d’embrasser la carrière d’entraîneur. On rencontre au cours d’une vie des personnes qui influencent vos choix et vos décisions et Nolan Richardson fait sans aucun doute partie de cette classe d’individu.

REVIVEZ LES MEILLEURS MOMENTS DE LA FINALE NCAA 1994

Crédits photos : frompo.com/cbssports.com/wholehogsport.com/arkansasfight.com

Retrouvez plus de Basket Retro sur





About Waka Bayashi (94 Articles)
Enfant des eighties, c'est au début des années 90 que je découvre la NBA. En 1993 j'obtiens mon brevet des collèges grâce à l'épreuve de Géographie au cours de laquelle je localise les plus grandes villes sur la carte des Etats-Unis, en ajoutant entre parenthèses le nom des franchises de la ligue, en espérant secrètement quelques points bonus. Fan des joueurs avec un taux de trash-talking élevé (coucou Reggie Miller), j'ai intégré l'équipe de Basket Rétro afin que mes parents soient fiers de moi.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.