Breaking News

[Portrait] Brian Grant, le soldat Rasta

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Pendant douze saisons, Brian Grant a compensé son manque de taille et de talent brut par un énorme cœur à l’ouvrage. Un col bleu dédié au collectif, un défenseur jamais intimidé par son adversaire direct, qui a bataillé dans les raquettes au péril de sa santé. De ses combats, Grant a gagné le respect de toute la Ligue. Pourtant son épreuve la plus dure, il l’a mené après avoir raccroché ses baskets.

RUDE BOY

Pour son premier été en tant que joueur NBA, Brian Grant et sa femme Gina se paient des vacances en Jamaïque. Dans un rade de Kingston, le joueur des Kings entend la voix de Bob Marley dans le juke-box. « Qui est-ce ? » demande-t-il au barman. Devant tant d’ignorance, le proprio lui donne un cours qui se finit à 5h30 du matin. Une discussion qui va le façonner à jamais. De retour en Californie, Brian se fait tatouer Marley sur l’épaule droite et commence à cultiver des dreadlocks qui deviendront les plus emblématiques de la Ligue. Une chanson plus précisément devient son leitmotiv : « War » le titre entendu sur le juke-box, qui parle de ségrégations raciales et de lutte. Les paroles résonnent dans son âme, car elles font écho à son enfance. Brian grandit à Georgetown, un bled paumé au Sud-Est de Cincinnati, où les familles noires se comptent sur les doigts d’une main. Son père infidèle quitte très tôt le foyer pour refaire sa vie, obligeant sa mère, son frère et sa sœur à s’entasser dans un mobile-home de fortune. L’argent est rare chez les Grant, aussi Brian est obligé de passer ses vacances à travailler dans les champs. Décaper le tabac, planter des pommes de terre, emballer le foin, une sorte d’esclavage moderne auquel il faut ajouter un racisme ambiant. Plusieurs fois, il en vient aux mains pour défendre son honneur, le comble pour un village qui abrite la maison d’Ulysses S. Grant, le général de l’armée unioniste censée rendre la liberté aux afro-américains. Cette enfance a le mérite d’endurcir Grant physiquement et mentalement.

Pourtant à l’adolescence, Brian prend plutôt la trajectoire paternelle. Alcool, drague, échec scolaire, son quotidien s’assombrit encore plus lorsqu’il se fait virer de l’équipe de foot US après sa première année en high school. Par chance, il prend 15 centimètres pendant l’été pour passer de 1m78 à 1m93. Le basketball lui alors tend les bras. Mais, devant son manque de motivation, il ne parvient pas à intégrer l’équipe de Georgetown en sophomore. Il rate aussi une partie de son année junior à cause de mauvais résultats scolaires. D’anciens lycéens avec lesquels il zone lui remettent les idées en place, déçus de le voir gâcher son potentiel. Une prise de conscience a alors lieu chez Brian, qui se met enfin au boulot. Ses notes décollent tout comme sa carrière de basketteur. Dans sa dernière saison, il devient une bête dans la raquette, se battant sur chaque rebond et imposant sa carcasse en défense. Du travail de l’ombre bien fait certes, mais qui n’attire pas les recruteurs… jusqu’à ce que Dino Gaudio, entraîneur adjoint de Xavier University, reçoive un appel anonyme l’invitant à scouter Grant. Pour s’assurer qu’il ne s’agisse pas d’un canular, il se rend à un entraînement. A la fin du training, Gaudio interpelle Tim Chadwell, le coach du lycée pour lui demander « Qui est au courant pour ce gamin ? ». « Personne ! » répond Chadwell. L’assistant lui fait promettre de garder le secret et se pointe quelques jours plus tard avec Pete Gillen, le head coach de la fac. Lui aussi tombe sous le charme de Grant. En 1990, Xavier ne dispose que d’une bourse à distribuer. Sans hésiter, Gillen la propose à Brian.

brian-grant-xavier

© Xavier.edu

Le pari s’avère immédiatement payant. Les Musketeers commencent leur préparation contre l’équipe nationale de Pologne. Blessé, le titulaire Maurice Brantley cède sa place à Grant. Mort de peur à son entrée sur le parquet, Brian décharge vite son appréhension sur une énorme claquette dunk. Il termine le match avec 20 points et 16 rebonds. Ce baptême du feu lui donne confiance. Sur ses deux premières saisons, il tourne quasiment en double double : 11.7 points et 8.8 rebonds. Le Musketeer a même l’occasion de croiser le fer contre l’élite NCAA lors du tournoi 1991 avec 15 points et 10 rebonds au premier tour contre Nebraska puis 16 points et 12 rebonds face à UConn. Un métronome dans la peinture qui éclate au grand jour dans son année junior. Coach Gillen le responsabilise et ça paie encore une fois : 18.5 points de moyenne, Brian est la première lame de l’attaque des Musqueteers. Une lame tranchante et précise, puisqu’avec 65,4%, il se classe second à la réussite aux tirs en NCAA. Elu meilleur joueur de la Midwestern Collegiate Conference, Grant mène la fac au titre régional. Direction la March Madness ! Il marque son territoire contre New Orleans au premier tour avec 20 points et 16 rebonds avant de tomber les armes à la main contre Indiana 70 à 73. Malgré un cursus universitaire brillant, Brian a des gros doutes sur sa future carrière pro dans le basket. Il envoie son cv chez General Electrics et Procter & Gamble, persuadé qu’il va devoir entrer dans la vie active. Mais, avant la draft, trois agents se présentent à lui. Les deux premiers lui conseillent de décliner les camp pré-draft pour éviter de glisser à la fin du second tour. Le troisième, Mark Bartelstein, dit l’inverse. Selon lui, Grant doit prouver aux recruteurs qu’avec ses 2m06, il n’est pas sous-dimensionné pour s’imposer dans les raquettes NBA. Résultat, il écume les camps avant l’échéance fatidique. Pour son coéquipier Larry Sykes, Brian a un plus que les autres prospects n’ont pas :

L’avantage de Brian, c’est qu’il est fou furieux. Il n’a pas été doté de la meilleure capacité pour sauter ou courir. Beaucoup de mecs ont plus de talent que lui, mais ils n’ont pas un dixième de son envie. Il donne tout sur le parquet et joue avec une telle intensité qu’il oblige tout le monde autour de lui à jouer comme ça.

Draft 1994. Derrière le trio incontournable Glenn Robinson, Jason Kidd et Grant Hill, la cuvée regorge de prospects NBA ready. Pendant les camps de préparation, Brian fait forte impression auprès de plusieurs franchises. Testé par Sacramento, le staff lui propose en fin de journée de manger un steak de 1,3 kg offert par la maison si le client le termine. Jamais à court de défi, Grant s’exécute et avale tout le morceau. En résulte, une longue nuit de coma alimentaire. Le lendemain pour le camp des Lakers, Brian n’est pas dans son assiette et foire complètement les exercices. Son appétit vient de faire pencher la balance du côté des Kings qui le sélectionnent en huitième position, alors qu’il était annoncé à la fin du premier tour chez certains insiders. Absent des playoffs depuis neuf saisons, Sacramento voit en lui la pièce manquante à l’intérieur qui lui permettra de retrouver la postseason. La franchise ne lésine pas sur les moyens avec un contrat de 29,3 millions sur 13 ans. Une durée vertigineuse, d’autant qu’en conférence de presse, Brian déclare qu’un deal de 2,5 dollars l’aurait satisfait, histoire de s’acheter un Dr Pepper et un paquet de chips. Pression et attente maximales autour de lui pour ses débuts. Et comme en NCAA, Grant répond présent sur le parquet. Premier gros double double (23 points et 12 rebonds) dans une victoire contre les Warriors début décembre, il ne met qu’une vingtaine de matchs pour gagner sa place de titulaire. Autour du All Star Mitch Richmond, Sacramento redevient crédible, mais rate les playoffs d’un cheveu. Brian, lui, s’invite dans la All-Rookie First Team avec des statistiques déjà solides : 13.2 points à 51,1% aux tirs, 7.5 rebonds et 1.5 block.

brian-grant-sacramento

© Getty Images

Avec les renforts des rookies Tyus Edney et Corliss Williamson, les Kings sont mieux armés pour leur objectif en 1996. Grant confirme son statut de starter indiscutable pour devenir la première menace offensive de la raquette californienne avec 14.4 points. Son coach Garry St Jean tente parfois de le décaler au poste de pivot. Sur ces furtives séquences small ball, Brian compense son manque de taille par une énergie débordante. Le bilan quasi à l’équilibre de Sacramento n’est pas tout à fait suffisant pour assurer les playoffs. Tout se joue sur les deux derniers matchs avec un duel à distance contre les Warriors. Battus par Utah, les Kings ont besoin d’une défaite de Golden State contre Portland pour tamponner leur billet. Le joueur des Kings, Sarunas Marciulionis, appelle alors son compatriote Arvydas Sabonis pour lui partager l’enjeu de ce match. Le pivot lituanien s’exécute sur le parquet et propulse par là même Sacramento en postseason. L’aventure ne dure que le temps d’une série contre les Sonics. Dominé par Shawn Kemp, Grant fait son apprentissage du haut niveau dans le dur. Et il n’aura pas l’occasion de prendre sa revanche sous le maillot des Kings. Blessé très tôt à l’épaule la saison suivante, son absence pénalise l’équipe qui ne remporte que 34 matchs. Conscient que le projet Kings plafonne, il demande la rupture de son contrat (chose impossible avec le Collective Bargaining Agreement actuel) et refuse une ultime proposition de 48 millions sur 7 ans.

FUSSING AND FIGHTING

En août 1997, il s’engage avec l’une des équipes montantes de l’Ouest, les Trailblazers, via un deal de 63 millions sur 7 ans. Pour l’enrôler, Portland est obligé de dégraisser sa masse salariale, notamment en se séparant de sa dernière icône des 90’s, Clifford Robinson. Un mal pour un bien ! Avec sa recrue, le frontcourt titulaire de l’Oregon terrorise la Ligue : Arvydas Sabonis, Rasheed Wallace et Brian Grant, difficile de faire mieux en termes d’envergure et de talent. Il n’y a pas que dans la peinture que Portland intimide. Kenny Anderson, Damon Stoudamire, Isaiah Rider, Stacey Augmon ou Walt Williams, l’équipe est blindée à tous les postes. Seul défaut, des ego surdimensionnés et des joueurs caractériels qui vont former le célèbre gang des Jail Blazers. Au milieu de ces têtes brûlées, Brian dénote. Pendant que certains coéquipiers s’illustrent en boîte de nuit, lui œuvre dans la caritatif. En plus de créer une fondation pour la collecte de moelle osseuse, il se rend fréquemment dans les hôpitaux locaux. C’est là qu’il rencontre Dash Robin, un enfant de 12 ans, atteint d’un cancer du cerveau. Le géant tombe sous le charme du gamin et multiplie les allers retours dans sa chambre pendant huit mois. Lorsque Dash décède en février 1999, Grant traverse le pays en avion pour se rendre aux funérailles et réconforter les parents. Démoli, Brian inscrit le nom de son protégé sur ses baskets. Le début de nombreuses amitiés qu’il va lier au fil de sa carrière avec les enfants malades. Cette même année, la NBA lui attribue le J. Walter Kennedy Citizenship Award qui récompense un joueur pour son engagement dans la communauté.

Il n’y a pas qu’en coulisses que Brian Grant a un cœur énorme. Sur le parquet, il hérite du surnom de Rasta Monsta, en rapport à son abattage sous les panneaux. L’intérieur ne s’économise jamais comme un soir de novembre 1997, où il joue 61 minutes, le record alltime de la franchise. Dans ce match contre les Suns avec 4 prolongations, Brian récolte 34 points, 17 rebonds et 5 passes ! La raquette c’est le point fort de Portland à l’approche des playoffs. Et lors du premier tour, un client très sérieux débarque, Shaquille O’Neal. Obligé de défendre sur le pachyderme des Lakers par séquences, Grant s’en sort avec un double double de moyenne : 13.3 points et 10.8 rebonds. Pas assez pour contenir Big Aristote et ses 29.0 points et 11.8 rebonds. Les Californiens enterrent les espoirs des Blazers 3 à 1. Heureusement, Portland rebondit dès la campagne 1999, raccourcie par le lock-out. Au premier tour, Brian détruit Clifford Robinson, l’ancien de la maison passé chez les Suns, avec des stats ébouriffantes : 19.3 points à 71,9% de réussite, 9.3 rebonds et 1.3 block. Au round suivant, c’est Karl Malone qui l’attend pour un duel qui sent la testostérone. Sur les 4 premiers matchs, le Rasta joue les yeux dans les yeux avec le facteur. Mené 3 à 1, Utah est dos au mur dans le Game 5. Moment choisi par The Mailman pour envoyer son plus gros colis dans l’arcade de Grant. Quelques points de suture après, Brian revient en jeu pour montrer sa détermination et susurrer des mots doux à l’oreille de Malone. Un morceau de bravoure dans une défaite 88 à 71. Les fans du Rose Garden ont apprécié la combativité du Rasta Monsta. En hommage, certains portent un pansement au visage lors du Game 6. Il n’en faut pas plus pour survolter Grant qui maintient le facteur à 8 points en 44 minutes pour une victoire 92 à 80 ! Direction la Finale de Conférence contre les Spurs. Avec leur duo David Robinson et Tim Duncan, les Texans ont du répondant dans la peinture. Usé physiquement, Grant ne peut rien faire face à la technique du Big Fundamental et plie en quatre manches sèches.

brian-grant-portland

© The Oregonian

En deux saisons dans l’Oregon, Grant est devenu le chouchou des fans. Moins scoreur qu’à ses débuts, il se dévoue corps et âme au collectif. Un poste 4 à l’ancienne ne rechignant jamais sur les tâches ingrates. Un dur au mal indispensable pour tout contender qui se respecte. La preuve, blessé au genou dans la série contre San Antonio, il serre les dents pour tenir sa place. Brian laisse justement un peu trop de gomme sur les parquets. Lors de la saison 1999-2000, il enchaîne des pépins au genou, à l’épaule et au pied. Amoindri physiquement, il sort désormais du banc. Portland qui a récupéré Scottie Pippen, Steve Smith et Detlef Schrempf à l’intersaison, a une profondeur d’effectif rarement vu. Deuxièmes de saison régulière, les hommes de Mike Dunleavy balaient les Timberwolves au premier tour pour retrouver le Jazz. Grant est de nouveau opposé à son copain facteur. En 23 minutes seulement de temps de jeu, il termine meilleur rebondeur de la série avec 8.8 prises tout en limitant Malone à 44% aux tirs. Les Blazers passent en 5 matchs avec une seconde finale de conférence à la clé. Cette campagne a un goût de retrouvailles pour Brian qui va devoir encore se coltiner Shaq dans son prime. Une série mythique, où Portland mené 3 à 1, recolle les Lakers pour un Game 7 au Staples Center. Un match 7 entré directement dans l’Histoire quand les Californiens passent un run de 31-13 dans le dernier quart pour renverser la vapeur. Spectateur impuissant de la furia Purple & Gold, Brian échoue une nouvelle fois face au plus grand défi de sa carrière de joueur : stopper Shaquille O’Neal.

Défendre sur Shaq, pour moi, c’était le défi ultime pour me tester. Il fallait oublier mes appréhensions, aller tout simplement sur le parquet et essayer de faire ce que je pouvais contre ce géant. Le jeune Shaq qui jouait à Orlando, vous ne pouviez rien faire car il était trop agile et rapide. Mais, quand il est allé à Los Angeles, il avait vraiment une équipe autour de lui. Il s’est mis à jouer plus lentement tout en se servant plus de ses muscles. Cela m’a donné un espoir, non pas de l’arrêter complètement, mais de faire des stops régulièrement au fil du match, notamment en le faisant courir. Mais, en playoffs, il est entré en mode imparable, impossible de l’empêcher de faire ses mouvements. Je n’ai pas pu l’arrêter à ce moment-là.

IRON LION ZION

A 28 ans passés, Brian Grant entame la seconde partie de sa carrière et cherche un nouveau contrat pour mettre sa famille définitivement « à l’abri » financièrement. Son nouveau rôle dans la second unit de Portland ne le satisfait pas. Il veut sa trentaine de minutes par match. Pas le choix, si les Blazers ne veulent pas le voir partir contre peanuts, ils doivent organiser un transfert. Et comme Brian dispose d’une no trade clause, c’est bien lui qui aura le dernier mot. Il refuse tout d’abord un trade à Cleveland contre Shawn Kemp. Un deal contre Marcus Camby des Knicks est quasiment conclu, mais cette fois-ci c’est l’état des genoux du new-yorkais qui fait capoter la transaction. Une rencontre pendant l’été 2000 va tout changer. Flairant le bon coup, Pat Riley tente un rapproché avec Grant. Depuis son arrivée sur le banc de Miami, le gominé s’est fait une spécialité de recruter des soldats pour pratiquer un jeu rugueux et défensif. Récupérer Brian pour l’associer à Alonzo Mourning lui apparaît comme une évidence. Avant ses vacances en Jamaïque, le Blazer fait escale en Floride. Riley lui sert un laïus sur la façon dont il pourrait améliorer l’équipe et comment le Heat pourrait le rendre meilleur. Le coach sait que l’intérieur est un bourreau de travail, qui s’acclimatera parfaitement à sa préparation quasi militaire des matchs. De retour dans l’Oregon, Grant fait le forcing pour partir vers Zion. Fin août, il obtient gain de cause dans un blockbuster trade à trois équipes qui envoie Kemp chez les Blazers, Chris Gatling chez les Cavs et Grant en terre promise chez le Heat.

brian-grant-miami

© Sports Illustrated

Alors que Brian s’apprêtait à batailler contre les power forwards de la Conférence Est, une annonce fait tout basculer. Juste avant le début de saison, Alonzo Mourning communique sur son insuffisance rénale, l’obligeant à mettre une croix sur cette campagne. Pour Grant, c’est la douche froide ! Il va devoir changer de poste pour se fader des pivots plus lourds et grands. Lui qui avait signé à Miami pour conquérir une bague, se retrouve à jouer les pompiers de service. Heureusement, l’effectif n’est pas dénué de talents avec Tim Hardaway à la baguette, Eddie Jones en leader offensif et Anthony Mason pour prêter main forte dans la raquette. Dans son nouveau costume, le Rasta Monsta se transcende pour livrer ses meilleures stats en carrière : 15.2 points et 8.8 rebonds en 33 minutes. Les hommes de Riley décrochent la troisième place de l’Est pour affronter les Hornets au premier tour. Chez les Frelons, un homme attend avec impatience cette série. Evacué par le Heat l’été précédent, Jamal Mashburn prend sa revanche en éliminant sèchement les Floridiens. En quasi double double, Grant n’empêche pas le naufrage collectif. Le sweep est violent, tout comme l’intersaison qui s’en suit. Hardaway et Mason quittent le navire. Le Heat entame une reconstruction qui débouche sur deux saisons sans playoffs. Dans la raquette, Brian continue de se donner à 110% et boucle même son premier exercice en double double en 2003 : 10.3 points et 10.2 rebonds. Mais, les joutes contre les seven footers l’usent physiquement. Chaque été, il passe sous le scalpel pour soigner ses genoux ou son épaule droite. Alors qu’il est l’un des vétérans les plus respectés de la Ligue, il va jouer les tuteurs pour deux rookies pas comme les autres.

Draft 2003, Miami met la main sur Dwyane Wade avec le cinquième choix et rapatrie Udonis Haslem de Chalon-sur-Saône. Après le training camp, Brian sait déjà que D-Wade est spécial à sa manière de s’engouffrer dans les défenses. Quant à Haslem, il le prend sous son aile pour lui enseigner les ficelles du jeu intérieur dans la plus pure tradition de la Heat Culture. Ce sang neuf booste le groupe qui retrouve la postseason contre les Hornets. Un remake de l’édition 2001 qui tient toutes ses promesses. Privés de Mashburn, les Frelons s’accrochent jusqu’au Game 7. Un match couperet remporté par les Floridiens 85-77 dans lequel Grant s’arrache avec 14 points, 9 rebonds et 3 blocks. Au round suivant, le Heat donne des sueurs froides aux Pacers jusqu’au match 6 porté par Wade à 21 points de moyenne. Malgré l’élimination, l’espoir renaît à South Beach. Brian, qui veut finir sa carrière sur une bague, s’épanouit dans le rôle de grand frère. Un rôle qui ne dure qu’une saison malheureusement. Pendant l’été, Grant apprend sur ESPN que Shaq veut quitter Los Angeles. Ses deux destinations préférées Dallas et Miami. Toujours dans les bons coups, Riley dégaine en premier. Il envoie Brian, Caron Butler et Lamar Odom à L.A. contre O’Neal.

brian-grant-lakers

© Los Angeles Sentinel

Le déménagement du Rasta est un crève-cœur pour le GM. Du coup, Riley laisse une enveloppe à Grant où il glisse une « Forever Card », une manière de lui dire que la porte reste ouverte. Après une année de bons et loyaux services aux côtés de Kobe Bryant, Brian se fait couper par les Lakers. L’heure pour lui de rappeler Pat Riley… des appels qui resteront sans réponse. Quand le GM se décide enfin à le contacter, il est trop tard, Grant s’est engagé avec les Suns. Ironie du sort, le Heat sera champion cette saison-là. A Phoenix, le Rasta Monsta n’est que l’ombre de lui-même. Gêné par des douleurs permanentes, il ne participe qu’à 21 matchs avant de se résoudre à raccrocher définitivement, à 33 ans seulement. En 12 ans de carrière, il aura subi 10 opérations : quatre au genou droit, deux au genou gauche, trois à l’épaule droite et une hernie discale. A la fin chez les Suns, des séances d’acupuncture étaient nécessaires ne serait-ce que pour s’endormir. Mais, Brian est fier de ses stigmates, une marque de ses combats dans les tranchées des raquettes NBA, selon lui. Pourtant, ces douleurs ne seront rien par rapport à ce qui l’attend à sa retraite.

I’M HURTING INSIDE

La reconversion professionnelle peut être dure à gérer chez certains sportifs de haut niveau. C’est le cas pour Brian qui passe son temps à s’empiffrer dans son canapé les premiers mois. Sa tentative pour retourner voir un match du Heat se solde par un échec. Ses sentiments d’impuissance et d’exclusion sont trop forts. Riley l’avait prévenu : pour occuper la seconde partie de son existence, le golf et la pêche ne suffisent pas, il faut un plan sur le long terme. Au lieu de cela, Grant se renferme sur lui-même. Il devient colérique avec sa famille, distant avec ses amis, ne quittant son foyer qu’à de très rares occasions. Le comble pour une personne qui avait toujours pris soin des personnes malades autour de lui et qui était désormais incapable de réagir face à ses propres maux. Obèse et dépressif, il finit par aller consulter sous l’injonction de sa femme Gina. Les psychotropes ne font effet qu’un temps sur lui. Pour son bien-être, la famille déménage à Portland, un lieu familier qui peut l’aider à remonter la pente. Dans l’Oregon, sa déprime s’associe à des tremblements réguliers incontrôlables. Cette fois, c’est d’un neurologue dont Brian a besoin. Son diagnostic tombe comme un couperet : A 36 ans, Grant est atteint de la maladie de Parkinson.

Soulagé dans un premier temps, Brian peut enfin mettre un nom sur ses maux. La dépression est, en effet, un signe avant-coureur de la maladie de Parkinson qui dérègle les leviers de commande du cerveau. Les neurones qui meurent diminuent l’apport de sérotonine, conduisant le malade à ne plus ressentir de joie ou d’empathie. Maintenant, Grant est confronté à un choix : soit se replier sur lui pour cacher sa maladie, soit y faire face en l’exposant publiquement. Pour un ancien NBAer habitué aux combats physiques, voir son corps l’abandonner progressivement est dur à digérer. Aussi, Brian décide de dissimuler ses tremblements au début. Résultat, il s’enfonce encore plus dans l’isolement et finit par divorcer quelques mois plus tard. Un appel téléphonique change la donne en 2009. Le comédien Michael J. Fox, atteint de la même maladie depuis l’âge de 29 ans, lui secoue les puces. Grant doit mettre de côté son orgueil pour s’accepter tel qu’il est dorénavant. Les entretiens avec l’acteur lui ouvrent les yeux. Brian voit à nouveau l’occasion de faire le bien en créant sa propre fondation pour la recherche et en menant des collectes de fonds. D’anciennes gloires comme Charles Barkley ou Bill Walton participent à ces campagnes, de même que l’ancien boxeur Mohamed Ali. Après l’annonce publique de sa maladie, Grant reçoit des centaines de messages de joueurs, journalistes ou dirigeants qui veulent l’aider. L’appel le plus improbable reste celui de Karl Malone. Les deux intérieurs ne se sont plus parlé depuis leur beef à Portland et voilà que le facteur lui tend la main. Fans de pêche, ils organisent un voyage en Alaska et récoltent 107.000 dollars via la vidéo de leurs exploits. Arrivé à la cinquantaine, Brian ne sait pas ce que lui réserve Parkinson dans le futur. Mais, désormais, il est l’un des emblèmes de cette maladie et assume pleinement le plus dur combat de sa vie :

Ce qui compte, c’est la façon dont vous réagissez aux accalmies. Maintenant, quand les idées noires descendent le matin, je me demande : « Pourquoi es-tu aussi déprimé alors que tu as de beaux enfants et un toit au-dessus de ta tête ? ». Je me dis alors : « Tu es déprimé parce que tu as la maladie de Parkinson, et ça fait partie de la maladie ». Alors je commence à me parler positivement, je me lève et je pars. Si je sors de la maison, puis que je fais quelque chose pour quelqu’un, petit à petit la bonne humeur revient. Je ne suis plus vraiment préoccupé par la façon dont on se souvient de moi. J’essaie juste d’atteindre les gens et d’être utile pour les patients atteints de la maladie de Parkinson, en particulier ceux nouvellement diagnostiqués. Je veux juste aider ces gens-là.

brian-grant-fondation

© Brian Grant Foundation

STATISTIQUES ET PALMARES

  • Stats NCAA : 14.8 points à 59,4% aux tirs, 9.3 rebonds et 1.1 block
  • Stats NBA : 10.5 points à 49,0% de réussite, 7.4 rebonds et 1.2 assist
  • Midwest Collegiate Conference Player of the Year (1993 et 1994)
  • All-Midwest Collegiate Conference First Team (1993 et 1994)
  • Maillot retiré par l’Université de Xavier
  • Nommé dans la NBA All-Rookie First Team (1995)
  • J. Walter Kennedy Citizenship Award (1999)

SA CARRIERE EN IMAGES

Retrouvez plus de Basket Retro sur





About mosdehuh (32 Articles)
Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.