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Novembre 1988, les Bleues en Amérique

Equipe de France

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Les voyages forment la jeunesse ! En pleine phase de mutation, Michel Bergeron décide en effet, en novembre 1988, de faire découvrir au Groupe France l’ univers impitoyable du basket universitaire américain, l’espace de quelques jours. C’est sur cette aventure inédite que Basket Retro vous propose de revenir. Road Trip !

L’année 1987 marque l’arrivée aux commandes de l’équipe de France féminine de Basket Ball de Michel Bergeron. La France est alors dans le creux de la vague. Une lame de fond dont le Championnat d’Europe fait d’ailleurs office de juge de paix. Onzième en 1980 en Yougoslavie, absentes en 1981, huitième en 1985, les bleues terminent une nouvelle fois huitième sur huit en Espagne en 1987 pour les débuts tricolores d’Odile Santaniello avec à la clé une punition : la plus lourde défaite de l’histoire des bleues en championnat d’Europe (109 à 46). Il y a les soviétiques en face mais quand même… Pour s’éviter de pareils affronts, il est décidé pour 1988 de monter un plan de bataille ambitieux. D’autant que Bergeron est persuadé que les bleues doivent être présentes dans toutes les compétitions sous peine de stagnation.

L’année des tricolores va ce faisant s’articuler autour de trois temps forts. D’abord en mai, le tournoi qualificatif pour l’euro 1989 prévu en Bulgarie puis en juin un autre tournoi qualificatif mais celui-ci pour les JO de Séoul et enfin, en novembre, une tournée inédite aux Etats-Unis. En prenant la seconde place de son groupe derrière la Tchécoslovaquie, les bleues gagnent d’abord leur ticket pour la Bulgarie. Les bleues y battent l’Espagne, l’Angleterre, la Finlande et la RFA. Pendant cette période, la France joue. Beaucoup ! 16 matchs entre le 21 avril et le 28 mai parce que Bergeron ambitionne les Jeux, compétition pour laquelle notre pays n’a jamais alors concouru. Le TQO débute le 6 juin à Bornéo en Indonésie. La France y bat le Zaïre puis la Thaïlande dans des conditions dantesques. Avec 95% d’humidité les baskets d’Odile Santaniello éclaboussent à chacune de ses foulées. Mais les Yougoslaves de Sladana Golic puis les Bulgares de Madlena Staneva s’avèreront trop fortes pour Ekambi, Campi and Co. L’été passé, les bleues se retrouvent alors pour leur troisième défi de l’année : l’Amérique !

Les bleues à l’aéroport J.F. Kennedy à New York. Source : Maxi Basket

14 HEURES DE BUS

Il y a un double objectif pour cette tournée : affronter de bonnes équipes américaines qui jouent un basket différent des sélections européennes et préparer l’Euro 1989. C’est grâce au concours de la société Belge « Sports-Tours » que l’équipe de France part en tournée aux États-Unis pour y affronter des universités américaines. C’est une tournée qui s’annonce assez hétéroclite au niveau de l’adversité puisqu’au programme la France va affronter Tennessee, numéro 1 du pays mais aussi Vanderbilt qui se situe autour de la 50ème place. Les quatre autres facs affrontées (Murray State, Tennessee Tech, Louisville et Southern Illinois) se classent elles après la 75ème position. Tennessee représente évidemment un must avec 1 titre et trois finals fours en quatre ans. Les Lady Volunteers sont en effet l’équipe qui domine la NCAA, il ne se fait rien de mieux à ce niveau.

En NCAA, le ballon est plus petit, l’arbitrage est différent, beaucoup de choses sont à repenser pour les bleues. C’est pourquoi, en plus de son assistant Bernard Grosgeorges, Bergeron s’entoure de partenaires. L’arbitre azuréen Daniel Bes fait ainsi le déplacement pour évaluer les situations de jeu mais aussi pour décortiquer avec le staff et les joueuses certaines actions. En NCAA, l’usage des mains quasiment interdit, il n’y a pas de retour en zone ni d’entre deux mais une alternance de possession et les arbitres montrent une grande tolérance pour les marchés et les 3 secondes dans la raquette. Côté technique, Alain Jardel (Mirande) et Guylaine Renaud (Racing) sont détachés comme cadres techniques. L’idée est d’apprendre à tous les niveaux et d’emmener les clubs dans cet apprentissage. Tout ce petit monde pourra même assister au match de l’équipe nationale d’URSS face aux garçons de Tennessee et ce dans une salle de 25 000 places…. Des infrastructures de folie !

Pour cette tournée, Bergeron sélectionne 12 joueuses : Françoise Amiaud, Martine Campi, Cathy Clezardin, Christelle Doumergue, Nathalie Etienne, Paoline Ekambi, Valérie Garnier, Isabelle Laug, Odile Santaniello, Rose-Marie Scheffler, Alima Soussi et Frédérique Venturi. Après un vol de Paris, premier arrêt à l’aéroport Kennedy puis départ en bus pour Murray dans le Kentucky. Le transfert en bus est épuisant ! 14 heures de bus, 20 heures de transport en tout et pour tout. Au final cette tournée laissera parfois aux joueuses un arrière-goût d’hôtel / route / salle car les bleues vont sillonner les highways américaines de jour comme de nuit parfois, en plus de jouer au basket. Cela permettra néanmoins à Bergeron de « faire connaissance », lui qui avoue mal connaître les filles du groupe France. Le staff doit aussi annoncer, avant coup, aux joueuses que ces rencontres ne seront pas comptabilisées comme des sélections. Tout ce petit monde compte sur l’expérience universitaire de Paoline Ekambi pour éclairer quelque peu les choses sur un basket universitaire américain encore bien méconnu.

Les bleues à l’entrainement le 16 novembre. Source : Basket Ball

4 SUR 6

Le 16 novembre, pour leur première rencontre, la France affronte l’Université de Murray (NDRL : Faculté dont est issu Ja Morant). Les bleues sont bien meilleures que leurs adversaires du jour mais perdent 68 à 44. D’abord, l’intensité montrée dans le jeu par les jeunes américaines dépasse en tout point celle des françaises. La box score indique ainsi 40 à 26 niveaux rebonds pour Murray State alors que la France joue avec des filles plus grandes. Côté lancers, on note pour les américaines 37 tentatives contre seulement 15 chez les françaises. Les bleues de Bergeron vont perdre 28 balles durant la rencontre ! La marque, elle est partagée mais Odile Santaniello mène au scoring avec 13 points. Force est de constater ensuite que le décalage horaire semble être encore présent dans les jambes françaises. Quand au poids lié aux contraintes dues au voyage, nous vous laissons évaluer son incidence dans le résultat final.

Le lendemain, la France fait face à Southern Illinois (17 victoires – 11 défaites sur la saison 88/89) toujours à Murray. C’est un peu à la même rencontre que la veille à laquelle on assiste sauf que la France l’emporte 62 à 59. La différence est encore flagrante dans l’intensité. Les tricolores sont ainsi dominées au rebond alors qu’elles sont plus grandes et perdent 29 ballons. Santaniello et Campi sont les meilleures marqueuses bleues avec 14 points. Mais pas le temps de trop souffler puisque le surlendemain Louisville est prévu au programme.

Nous sommes le 19 novembre, les bleues ont rejoint Hurstbourne dans le Kentucky après 4 heures de bus. Privée de Santaniello blessée au dos, la France affiche un meilleur visage. Outre la victoire (74 à 67), Louisville (4 victoires – 24 défaites sur la saison 88/89) est dépassée. Ce sont les « grandes » Doumergue (15 points) et Scheffler (12 points) qui se régalent ce jour là. Mais pas le temps de savourer quoi que ce soit puisque le 20, soit le lendemain, la France a le dessert au menu : Tennessee (Nos photos : Source : Maxi Basket).

On assiste à une domination totale des Volunteers qui n’aura aligné son 5 majeur que quelques minutes. Evidemment, les bleues n’échappent pas aux quatre heures de bus entre Hurstbourne et Knoxville. La France, encore plus grande en taille, est mangée au rebond 36 à 25. Idem niveau réussite (60% contre 46 pour les bleues). Après avoir compté jusqu’à 31 points de retard (75-44) à 11 minutes de la fin, Tennessee l’emporte 81 à 54. La marche ici est bien trop haute. Les stars de Tennessee brillent (Bridgette Gordon 30 points, Tonya Edwards 33 et Sheila Frost 12) et la press tout terrain des Lady V va beaucoup mettre en difficulté la France. Toutefois, il convient de préciser que Tennessee, c’est la crème de la crème. En effet, Pat Summitt fut aussi la coach de la sélection US aux JO de Séoul et Bridgette Gordon est elle championne olympique… De plus, le 2 avril 1989, les Lady Volunteers de Tennessee redeviendront Championnes NCAA. La Most Outstanding Player ? Bridgette Gordon avec 27 points et 10 rebonds dans la victoire sur Auburn (76-60). Tennessee, c’est 2 défaites dans la saison cette année-là !

A Cookeville, la France se frotte ensuite aux Golden Eagles de Tennessee Tech. Nous sommes le 21 soit le lendemain de la fessée prise contre Tennessee mais il n’y a que deux heures de bus entre Knoxville et Cookeville. Parfois, jouer vite après une déroute a du bon. Ainsi, pour cette rencontre, la France fait belle figure puisqu’elle rivalise dans tous les domaines avec son adversaire du jour. Au retour de la mi-temps, Doumergue (23 points) appuie sur l’accélérateur sous les panneaux et les bleues l’emportent de 7 points 80 à 73. Clézardin et Soussi rajouteront 10 points. C’est le match référence de la tournée contre une équipe qui fera belle figure ensuite car après une victoire contre South Carolina au premier tour de la March Madness, les Golden Eagles s’inclineront ensuite contre Iowa.

Mais l’équipe de France a vraiment besoin de faire sa mue. Ainsi, contre Vanderbilt, équipe très jeune (19 ans de moyenne d’âge) les françaises menées par Campi et l’omniprésente Doumergue compteront jusqu’à 25 points de débours (65-45) en seconde période. Nous sommes le 23 novembre à Nashville et les filles ont, de leur aveu, les jambes très très lourdes. La seule journée off de la tournée (le 22) n’y aura rien fait. La press tout terrain (encore elle) de Vanderbilt fait exploser les bleues. 34 pertes de balles ! La victoire finale (69 à 65) dans un match qu’elles auraient pu perdre n’étant pas le principal. Il faut se remettre en effet dans le contexte.

Un peu de détente à Nashville le 22 novembre 1989. Source : Maxi Basket

UN LONG CHEMIN…

Même si la terminologie pourra paraitre maladroite, il ne s’agit que de formations « espoir » que la France affronte. Les bleues semblent manquer non pas de volonté mais de ces qualités mentales liées à la compétition. Quand Odile Santaniello n’est pas là, les qualités de « combat » ne sont pas à la hauteur de l’événement pour la France. D’ailleurs, Michel Bergeron le dit avec d’autres mots dans un Maxi Basket de l’époque :

Il n’y a pas de consistance au niveau collectif. Les américaines m’impressionnent par leur mentalité. Elles ne sont jamais battues, elles n’abandonnent jamais. Celle qui a le potentiel physique et mental pour devenir le leader de l’équipe, c’est Odile Santaniello. Mais le problème avec elle, c’est qu’il faut qu’elle apprenne à se discipliner.

Nathalie Etienne va dans le même sens toujours dans les colonnes de Maxi :

Même contre les petites universités, nous étions dépassées techniquement. Leur sens du placement et leur engagement est fabuleux. On a encore beaucoup de chemin à faire.

En 1989, la France fera encore pâle figure au Championnat d’Europe. Les bleues termineront en effet dernière de cette compétition pour laquelle huit équipes seulement sont qualifiées. Les défaites seront conséquentes : 20 points contre la Yougoslavie et la Hongrie, 40 face aux Bulgares et 10 contre les Pays Bas. Les bleues rejoindront même le groupe mondial C, un temps, en 1991. La tournée américaine des bleues, novatrice, aura montré à quel point notre basket tricolore avait besoin d’évoluer et ce, dans tous les domaines. Il faudra attendre 1993 et un panier de dingue de Carole Force en demi-finales contre les Italiennes pour ouvrir des voies nouvelles.

 

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About Guillaume Paquereau (71 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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