[Portrait] Bill Walton, le colosse aux pieds d’argile
Portrait
La carrière de Bill Walton (69 ans aujourd’hui) évoque un immense gâchis, malgré les titres qu’il a remporté. Il aurait pu être l’un des pivots les plus dominateurs de l’histoire, mais de lourdes blessures l’ont freiné. Bill Walton, c’est aussi un personnage haut en couleurs, un hippie contestataire, un gagneur invétéré, un personnage attachant, une mâchoire carnassière. Retour sur une carrière tronquée.
L’Etat de Californie voit naître le 5 novembre 1952 un de ses plus beaux fleurons. Bill Walton grandit à San Diego, et se fait remarquer très jeune par ses qualités de basketteur et son gabarit (2,11m). Entre 1968 et 1970, Helix High School écrase la concurrence grâce à son grand pivot rouquin. Invaincu sur ces deux saisons, il remporte deux titres de high school, tournant à près de 30 points et 25 rebonds par match. Parmi ses records notables, il est le joueur le plus adroit de l’histoire avec 79% aux tirs sur son année senior.
Après avoir dévasté les raquettes lycéennes, il se dirige tout naturellement vers UCLA, restant dans sa région natale. l’Université de Los Angeles est à cette époque le programme universitaire le plus impressionnant des Etats-Unis. Sous la direction de Coach John Wooden, qui a compté dans ses rangs des joueurs exceptionnels comme Lew Alcindor, le futur Kareem Abdul-Jabbar, UCLA compile 6 titres sur les 7 dernières saisons… Et le meilleur reste à venir !
Juste avant de rejoindre UCLA, Bill Walton est convié à participer aux championnats du Monde 1970 avec une sélection américaine composée de joueurs participant au championnat amateur AAU. Ceux-ci appartenaient pour la majorité aux forces armées américaines, et avaient gagné le droit de représenter leur pays grâce à leur victoire au cours du championnat AAU.
Cette sélection ne lui laissera pas un souvenir impérissable, étant habitué à gagner, puisque les américains finiront 5ème, après 3 défaites. Pas encore majeur, et joueur le plus jeune de l’effectif, Bill Walton n’aura droit qu’à des miettes sur le terrain, et peu de considération de la part de son coach. Ce dernier est à l’opposé de la mentalité pacifiste de Bill Walton.Il relate le discours de sélection du coach lors des premiers entrainements :
« Vous êtes vingt-cinq. Dans deux semaines, quand j’aurai choisi les joueurs, vous continuerez tous de servir votre pays. Douze d’entre vous iront en Yougoslavie, en voyageant en première classe, passeront trois mois à voyager dans de magnifiques bus aménagés, profiteront d’hôtels cinq étoiles, mangeront merveilleusement bien, visiteront l’Europe et reviendront avec une médaille d’or.
Les autres, je suis désolé, mais vous ne serez pas dans l’équipe. Et je signerai personnellement votre ordre de mission pour le Vietnam ! » Source: Nothing but net, biographie de Bill Walton
Quand on connait l’engagement de Bill Walton en faveur de la paix et sa participation aux manifestations contre la guerre au Vietnam, on peut se rendre compte à quel point cette expérience avec ce coach militaire a dû lui laisser un mauvais souvenir.
LES ANNÉES FAC
En tant que Freshman, Bill Walton ne jouera pas avec l’équipe championne 1971, et participera à un championnat secondaire. Il intégrera donc l’équipe « varsity » pour la saison suivante. Sous les ordres de son mentor John Wooden, il va enchainer 88 matchs consécutifs sans défaites (portant son record personnel à 142 en comptant les années High School), et deux titres de champion, en 1972 et 1973 !
Sa performance lors du second sacre est encore dans les livres d’histoire : 44 points à 21/22 aux tirs ! Il sera nommé Most Oustanding Player (MOP) lors des deux finales auxquelles il participera. Sa dernière saison sera moins couronnée de succès, puisqu’une défaite en demi-finales le privera d’un troisième titre consécutif.
Au-delà des résultats sportifs, le passage à UCLA sous les ordres de John Wooden a permis à Bill Walton de se développer en tant qu’homme. Coach Wooden était intransigeant en matière de discipline, et demandait le meilleur à ses joueurs. Le dress code était de rigueur, et les fantaisies capillaires, tout comme les moustaches, étaient proscrites !
Du coup, entre un Bill Walton contestataire et ce coach intransigeant, il y a eu parfois de l’incompréhension, voire quelques étincelles, malgré un énorme respect mutuel. Ainsi, John Wooden a été attristé de devoir aller chercher son protégé au poste de police après une manifestation sur le campus contre la guerre du Vietnam. Cela nuisait à l’image de ses Bruins d’UCLA, d’autant que Bill Walton était reconnaissable entre mille avec sa carrure imposante.
Dans sa biographie « Nothing but net », Bill Walton relate une anecdote cocasse concernant les règles de disciplines à ne pas bafouer :
Lors de la reprise de la saison, lors de son année senior, Bill Walton et ses coéquipiers doivent se soumettre à une séance photo. Bien qu’il ait déjà fait raccourcir les cheveux qu’il n’avait pas entretenus durant l’été en prévision de ce shooting photo, Bill Walton a été renvoyé manu militari chez le coiffeur pour une coupe supplémentaire. En discutant avec John Wooden, il tente la négociation :
« -Coach, j’y pense depuis longtemps, et je crois que je devrais avoir la permission d’avoir les cheveux aussi longs que je le souhaite.
-Désolé Bill, mais tu connais ma position à ce sujet.
-Mais Coach, je pense que ce n’est pas juste de ne pas nous laisser choisir quelle longueur de cheveux est adéquate.
-Tu y tiens vraiment ?
-Oui, j’y tiens énormément.
-Bill, je tiens aussi fermement à cette règle. Tu vas nous manquer, mais c’était sympa de t’avoir dans l’équipe. »
Fin de la discussion.
Malgré des règles parfois trop restrictives, Bill Walton, drafté par l’équipe ABA des San Diego Conquistadors en 1973, voulait terminer son cursus universitaire, pour continuer de dominer la NCAA, mais aussi par respect pour son coach. Il refusera donc la proposition de la ligue professionnelle concurrente de la NBA pour faire son année senior. Malheureusement, cette dernière saison verra UCLA perdre trois matchs consécutifs de championnat, stoppant leur série de 88 victoires d’affilée, et échouer lors de la demi-finale du Final Four 1974 face à North Carolina State.
UNE CARRIÈRE PROMETTEUSE TRONQUÉE PAR LES BLESSURES
Alors qu’il n’a été sur le flanc que pour trois rencontres sur la totalité de son parcours universitaire pour cause de blessure, Bill Walton va cumuler les problèmes physiques tout au long de sa carrière professionnelle.
Les résultats d’UCLA et les performances de Bill Walton font saliver les deux ligues rivales, la NBA et la ABA. La draft avortée de Bill Walton en 1973 par les San Diego Conquistadors, équipe de la ABA, a permis aux Portland Trailblazers de sélectionner en n°1 le prodige californien lors de la draft NBA 1974. Il ne récupèrera donc pas ses premiers rebonds en pro devant le public de sa ville natale, mais s’expatriera pour l’Oregon, jugeant la NBA plus solide et compétitive que son homologue, vivant par ailleurs ses dernières saisons.
Considéré comme le sauveur de la jeune franchise de Portland, Bill Walton n’a pas pu concrétiser tous les espoirs fondés en lui. Dès sa première année, il ne participera qu’à 35 matchs de saison régulière, et ne jouera que 51 matchs la saison suivante. Malgré des stats tout à fait correctes, son absence pèse et Portland ne se qualifie toujours pas pour les playoffs. De plus, ce végétarien solitaire passe pour un anticonformiste militant, il a du mal à cohabiter avec certains coéquipiers, dénote dans le milieu pro autant par son mode de vie que ses idées politiques, se fait plus remarquer par son look hippie que par ses performances. On le croit même impliqué dans l’enlèvement de Patty Hearst et est entendu par la police à ce sujet. Bref, les débuts professionnels sont chaotiques, sur le terrain qu’en dehors.
Ce n’est qu’avec la disparition de la ABA que les choses vont changer. En 1976, les deux ligues concurrentes fusionnent, et si certaines équipes sont absorbées, les joueurs des équipes laissées sur le carreau sont dispatchés sur les franchises existantes de la NBA. C’est ainsi qu’arrive aux Blazers l’ailier fort Maurice Lucas, complémentaire d’un Bill Walton enfin en bonne santé (quoiqu’il ne disputera que 65 matchs de saison régulière malgré tout). Le coach Jack Ramsay apporte quant à lui son expérience, et pour la première fois de son existence, Portland atteint les playoffs, avec le meilleur bilan de sa courte histoire (49 victoire, 33 défaites), et poursuit jusqu’au titre de champion NBA.
L’arrivée de Maurice Lucas permet à Bill Walton de se décharger de la pression des médias. Bien que ce soit lui le meilleur joueur de l’équipe, il en refuse le statut et laisse Maurice Lucas sous le feu des projecteurs.
Cette finale NBA 1977 est l’apothéose de la carrière de Bill Walton. Tout d’abord parce que mené 2-0 face aux Sixers de Philadelphie, Portland renverse la tendance et remporte les 4 matchs suivants. Ensuite, c’est une démonstration de la polyvalence et du talent du pivot rouquin. Outre des statistiques impressionnantes sur la totalité de la série, on peut surtout relever la prestation fournie lors du 6ème et dernier match de cette finale : 20 points, 23 rebonds, 7 passes décisives et 8 contres pour contrecarrer les 40 points de Julius Erving. Très logiquement, Bill Walton est élu MVP des finales, et permet à Portland d’obtenir son seul et unique titre à ce jour.
La saison 1977-78 commence sur les chapeaux de roue pour les Blazers. Les champions en titre remportent 50 de leurs 60 premiers matchs avant que Bill Walton ne se fracture la cheville. La première grosse blessure au pied d’une longue série. Et pourtant il était sur les standards de sa saison précédente, avec des moyennes de 18,9 points, 13 rebonds, 5 passes et 2,5 contres qui lui permettront d’être élu MVP de la saison régulière.
En son absence, Portland n’arrive pas à concrétiser les bons résultats, perd 14 des 22 derniers matchs de saison régulière, et se fait éliminer par Seattle en demi-finale de conférence. Bill Walton estimant n’être pas soigné correctement à Portland demande un transfert, qui lui sera refusé par ses dirigeants. Il n’en faudra pas plus pour que le MVP 1978 entame un bras de fer avec son club et boycotte l’entière saison 1978-79 !
Agent libre, il signe à l’été 1979 dans sa ville natale, auprès des San Diego Clippers, pour un contrat de 7 ans. Malheureusement, il ne peut disputer que 14 matchs avant d’être à nouveau sur le flanc pour les deux saisons suivantes ! Maudit pied… De nombreuses opérations de reconstruction de la cheville le tiennent ainsi longuement éloigné des parquets.
Bill Walton ne rejoua qu’à partir de la saison 1982-83, à l’âge de 30 ans. Malgré ses deux saisons d’absence, il arrive à tirer son épingle du jeu et présente des stats tout à fait convenables, mais il ne domine plus le jeu comme à l’époque des Blazers. Il enchainera trois saisons consécutives avec des stats en baisse régulière, mais un nombre de matchs disputés en augmentation constante (33, 55 puis 67 matchs).
Après une dernière saison frustrante avec les Clippers, qui ont déménagé à Los Angeles, Bill Walton décide de quitter le club avant la fin de son contrat. Il prend lui-même contact avec les deux équipes qui l’intéressent le plus, les Los Angeles Lakers et les Boston Celtics, les deux derniers finalistes de la NBA. Il souhaite jouer pour une équipe visant le titre, en rotation du pivot titulaire, Jabbar pour les Lakers, ou Parish pour les Celtics.
Il tente tout d’abord sa chance auprès des Lakers, ce qui lui permettrait de continuer de jouer dans sa région natale. Jerry West, au téléphone, lui adressera un lapidaire:
« Non merci, nous ne sommes pas intéressés, nous avons vu l’état de ton pied ».
Dont acte. Au tour des Celtics de Larry Bird, et la réponse fut positive. Red Auerbach lui demandera juste de laisser les dirigeants organiser le transfert, sans ébruiter quoi que ce soit auprès de la presse. Bill Walton échaudé par sa demande de transfert et sa saison blanche à l’époque de Portland laisse faire, et le deal se conclut favorablement. Walton apprécie son nouvel environnement, et la culture de la gagne des Celtics. Il s’épanouit dans ce milieu de travailleurs, loin du showtime et des paillettes.
« Les Celtics représentent tout ce que je crois que le basketball doit être. J’ai toujours voulu prendre du plaisir en jouant au basket. J’ai aussi voulu que mes quatre enfants voient les bons côtés du monde du sport professionnel. Ils en ont tellement vu les aspects négatifs, entre mes blessures, mes brouilles avec les dirigeants, les fans, les médias. Je voulais qu’ils voient leur père heureux, et j’étais le plus heureux en jouant au basket, et jouant pour une équipe compétitive » Source: Nothing but net, biographie de Bill Walton
La saison 1985-86 se passe à merveille, il dispute enfin une saison quasi-complète avec 80 matchs joués, en sortie de banc, et participe grandement au gain du titre par les Celtics, en participant à 16 des 18 matchs de playoffs. Il sera élu meilleur sixième homme cette saison-là.
La saison suivante se déroule malheureusement comme la majorité de sa carrière. Des fractures de fatigue au pied le laisseront sur le flanc une grande partie de l’année, et il ne pourra disputer que 10 matchs de saison régulière, et 12 de playoffs, tous anecdotiques, tant il ne peut plus produire de jeu.
Trois ans après cette fin frustrante avec les Celtics, et un dernier espoir de retour suite à de nombreuses interventions chirurgicales, en février 1990, âgé de 37 ans, Bill Walton décide la mort dans l’âme de raccrocher définitivement ses baskets. L’état de sa cheville est tellement handicapant qu’il est déjà heureux de pouvoir marcher. L’envie de jouer est encore présente, mais le corps ne suit plus.
Sa carrière professionnelle laisse un goût amer : il a manqué 762 matchs sur 14 saisons, soit l’équivalent de 9 saisons complètes ! Le grand rouquin peut envisager sa reconversion sereinement, tout en restant au contact du basket, devenant consultant pour CBS, puis ESPN. Un comble pour celui qui a fui les médias toute sa carrière !
SES STATS NBA
SON PALMARES
- 2 x champion NCAA (1972, 1973)
- Most Outstanding Player du Final Four en 1972 et 1973
- Naismith College Player of the Year en 1972, 1973 et 1974
- USBWA men’s player of the year award en 1972, 1973 et 1974
- 2 x champion NBA (Portland 1977 et Boston 1986)
- MVP des finales NBA en 1977
- MVP de la saison régulière NBA en 1978
- Meilleur 6ème homme NBA en 1986
- All-NBA First Team en 1978
- All-NBA Second Team en 1977
- NBA All-Defensive First Team en 1977 et 1978
- 2 sélections au NBA All-Star Game en 1977 et 1978
- Meilleur rebondeur NBA en 1977
- Meilleur contreur NBA en 1977
- Sélectionné parmi les Meilleurs joueurs du cinquantenaire de la NBA en 1996
- Élu au Naismith Memorial Hall of Fame en 1993
SES HIGHLIGHTS
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