[Histoire d’intersaison] Le jour où George Mikan a précipité la chute de l’ABA en 1969
Intersaison
Fondée en 1967 avec l’ancienne star des Lakers George Mikan comme commissionner, l’American Basket Association (ABA) a talonnée sa grande sœur grâce à des innovations comme la ligne à 3pts ou le ballon multicolore.
Nous sommes en 1969. Bien que pourvue de stars comme Jerry West ou Wilt Chamberlain la NBA peine à rivaliser avec les ligues pro de football américain et de baseball et doit en plus, faire face à une nouvelle concurrence, l’American Basket Association. Avec un gros chéquier, l’ABA réussit à attirer des stars universitaires : Rick Barry, Connie Hawkins ou encore Spencer Haywood. Avec des franchises dans les plus grandes villes américaines (New York, Los Angeles, Dallas, Houston ou Oakland), l’ABA devient rapidement à la mode et grappille des spectateurs à la NBA (6484 spectateurs en moyenne pour la NBA contre 3948 pour la ABA en 1969). Alors en pleine expansion, il lui manque juste un contrat TV pour la faire complètement décoller.
A une période charnière de son histoire, l’American Basketball Association a besoin d’une méga-star adulée du public pour dépasser sa rivale. Tout juste sorti de UCLA, le phénomène Lew Alcindor (devenu par la suite Kareem Abdul-Jabbar) correspond parfaitement au profil. Dominateur au niveau universitaire au point que le dunk a été banni, il mène les Bruins d’UCLA à 47 victoires et 3 titres consécutifs entre 1967 et 1969. Les deux ligues font du jeune Alcindor leur priorité. Sélectionné en première position de la draft NBA par les Milwaukee Bucks, il est également choisi en premier par les New York Nets lors de la draft ABA et va devoir choisir entre les deux.
Les Nets sont les grands favoris pour récupérer Alcindor, ce dernier étant natif et ayant grandi à New York, il pourra également pratiquer sa religion plus facilement que dans le Wisconsin.
Mais Alcindor n’a pas envie de passer l’intersaison à négocier avec les deux ligues : il leur propose alors la même chose :
« Nous nous rencontrerons une fois. Nous écouterons une offre de votre part, et c’est tout. Ne nous sous-estimer pas. Donnez-nous votre meilleure offre possible en premier ».
Les dirigeants de l’ABA, Mikan en tête ont une idée. Lors de la rencontre avec Alcindor, ils souhaitent lui donner un chèque certifié d’1 million de $, en gage de l’offre qu’ils feront. Non seulement ce chèque prouvera qu’ils sont sérieux et qu’ils ont les reins solides, il fera envie à Alcindor pour qu’il dise oui immédiatement.
La NBA est la première ligue à rencontrer Alcindor. Dans son autobiographie, Giant Step, il qualifiera la réunion de « très bonne ».
Vient ensuite la rencontre avec la ABA et Mikan, le 18 août 1969, en présence d’Alcindor et de ses conseillers. Différents sujets ont été évoqués : UCLA, la possibilité de rester à New York, et même du futur salaire d’Alcindor sans pour autant être sur un montant concret. Pour une raison incompréhensible, le chèque d’1 million restera dans la poche de Mikan tout au long du meeting. Confiant de leurs chances, ils sous-estiment même l’offre pour Alcindor, pensant qu’il choisira de toute façon New York. Le pivot d’UCLA sort du meeting déçu, se demandant si l’ABA veut véritablement de lui. Se sentant insulté, il jurera même qu’il ne jouera jamais en ABA et signe avec les Bucks pour 1,4 millions de $.
Il déclarera plus tard :
« Les Nets avaient une chance et ils l’ont laissé filé »
Les propriétaires de l’ABA, apprenant que Mikan n’a pas sorti le chèque deviennent furieux et le limogent peu après (officiellement, son départ aurait été dû au déménagement des bureaux de l’ABA, de Minneapolis à New York).
L’ABA ne décrochera finalement pas son contrat TV et, malgré la présence de Julius Erving au début des années 70 (ce dernier préférera les Virginia Squires aux….. Bucks de Milwaukee !), elle ne dépassera jamais la NBA. La fusion entre les ligues aura lieu quelques années plus tard, en 1976.
On peut clairement se demander ce qui se serait véritablement passé si Alcindor avait signé avec les Nets. L’ABA serait peut-être la ligue de référence aujourd’hui et on aurait peut-être jamais parlé du duo Magic/Kareem….C’est peut-être finalement une bonne chose que Mikan n’ait jamais sorti ce chèque !
Crédits photos : Sports Illustrated
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