[Portrait] Gianmarco Pozzecco, la mouche atomique.
Portrait
Avec un physique de Monsieur tout le monde, le fantasque Gianmarco Pozzecco, a irradié pendant presque 20 ans les parquets italiens de son jeu instinctif et spectaculaire. Intenable sur le terrain, comme à l’apéro, sa vision du jeu irréelle, associé à une adresse diabolique, ont fait du “Poz” l’un des joueurs les plus aimés de l’histoire du basket transalpin. Médaillé d’argent en 2004 au JO d’Athènes, c’est indéniablement lui qui a les mots les plus justes pour se définir :
“Je suis peut-être fou, idiot, imprévisible, ingérable, mais assurément imparable.”
LE GARS QU’ON CROISE ET QU’ON NE REGARDE PAS
Avant d’être l’un des rois de Varèse (Il est citoyen d’honneur de la cité Lombarde en compagnie du grand Dino Meneghin), Gianmarco fut d’abord un enfant dont selon les propres dires, les divinités du basket ne se sont pas penchés sur le berceau :
“Vous pensez peut être que je suis l’un de ces basketteurs à qui un dieu généreux a donné arbitrairement assez de centimètres et de talent pour devenir champion? Non. Il suffit de me regarder pour comprendre qu’avec moi ce dieu était objectivement injuste.”
En effet, le petit Pozzecco a hérité d’un physique lambda, ni trop petit, ni trop grand, pas trop maigre, pas trop gros. Dans la vie de tous les jours, pour s’habiller et se chausser, c’est très pratique, mais le problème c’est que Gianmarco est fou amoureux d’un sport qui a la fâcheuse tendance à ne porter son attention, que sur les grands gabarits.
Mais, « le petit » aime viscéralement le basket, et même gamin, le “Poz” n’a jamais été du genre à faire dans la demi mesure. Alors les Dieux de la balle orange peuvent bien aller au diable. Si le basket n’est pas venu à Gianmarco Pozzecco, c’est Gianmarco Pozzecco qui ira au basket.
Dès le plus jeune âge, au domicile familial de Trieste, notre “amoroso” fabrique paniers et ballons avec tout ce qui lui tombe sous la main et shoote à longueur de journée. Il passe aussi beaucoup de temps à défier son grand frère et son père, tous deux basketteurs.
Né en 1972, il a 10 ans lorsque l’Italie remporte le Mondial 1982 de football, et comme tous les jeunes de cette génération, il vibre devant les exploits de Paolo Rossi. Il se met donc, en plus du basket, à jouer au foot dans le club local. Celui qui se distinguait déjà balle en main, se retrouve à en faire de même sur les pelouses, avec un style très similaire dans les deux disciplines: Il excelle dans le dribble et dans la passe, rends les autres meilleurs et est tout à fait capable de marquer si le besoin s’en ressent. C’est probablement la complémentarité entre ces deux sports qui a façonné l’intelligence, l’aisance avec le ballon et la vision du jeu du “Poz”, tout comme Steve Nash, autre grand meneur de la même génération qui excellait également balle au pied.
A 17 ans, Gianmarco donne raison à l’adage Italien qui veut que “Il primo amore non si scorda mai” ( le premier amour ne’ s’oublie jamais) et se tourne définitivement vers le basket-ball.
VARESE
Après avoir affolé les compteurs des catégories de jeunes du club d’Udinese, la “Mostiqua”” fait ses grands débuts en professionnel en série B en 1991, puis découvre la Série A avec Livourne en 1993, avec un bon rendement (10pts pour un temps de jeu de 17 minutes en moyenne). Ses excellentes stats lui ouvrent les portes de Varese, fief du monument national Dino Meneghin. Dans la cité Lombarde, il formera un dyptique inoubliable avec Andréa, le fils de la légende. Les deux hommes, si différents dans la vie, se révéleront d’une complémentarité extrême sur les terrains. Cette interdépendance sera parfaitement illustré par les propos de Meneghin en 2018 à (l’excellent) blog Italien lagiornatatipo.it:
“J’avais une technique bien huilée pour calmer les ardeurs de cette pile électrique de Pozzecco. Pendant les matchs, quand il remontait le ballon à toute vitesse en transition, je passai devant lui et me frayai un chemin exprès pour le faire s’arrêter et l’empêcher d’attaquer trop rapidement.”
Le duo mènera les “Roosters” de Varese à un titre historique en 1999. C’est avec Carlo Recalcati aux commandes que les rouges et blancs démarrent cette dernière saison avant l’an 2000. Auteurs d’un début de championnat parfait 6v-0d, l’équipe au cultissime maillot au coq, fait tomber consécutivement et comme de vulgaires dominos les trois ogres de la série A, le Benetton Trévise et les deux Bolognais (Virtus et Fortitudo).
Varèse et son monstre à trois tête (Meneghin, Veljko Mrsic, Pozzecco) clôture cette fabuleuse saison régulière à la seconde place, se faisant coiffer au poteau lors de la dernière journée par la Fortitudo Bologne de Carlton Myers.
Exemptés de premier tours de playoffs, c’est avec un Poz coiffé d’une cultissime “brosse martiale” teintée en rouge que Varèse débute ses playoffs. Ils viennent facilement à bout de Rimini en quart de finale. Le grand test sera alors pour la demi, avec un duel face au champion en titre, le grand Kinder Bologne de Ettore Messina, et des monstres sacrés Rigaudeau-Ginobili et Pedrag Danilovic. Vexés d’avoir perdu la finale de l’Euroleague face au Zalgiris Kaunas de Tyus Edney quelques jours auparavant.
Il faut croire que cette année-là, la clé du succès pour venir à bout des Bolognais était d’avoir un lutin dans son effectif. Après avoir subi les foudres d’Edney (1,78m) lors de la finale européenne, les joueurs de Messina se révéleront incapables de contenir un Pozzecco de gala. Varèse s’impose trois victoires à une et ira défaire le Benetton Trevise en finale en 3 matchs secs.

Meneghin et Pozzeco, champions d’Italie 1999 (Crédit photo: tvdaily.it)
Après vingts années de disette, le trophée de Série A est de retour en Lombardie, et deux décennies après le titre de Dino, c’est une nouvelle fois un Meneghin (bien aidé par le Poz) qui aura été décroché la timbale pour les rouges et blancs.
UN (ARRIÈRE) GOÛT D’AMÉRIQUE
Ce titre leur permet de jouer en octobre 1999, à Milan le tout dernier Open Mc Donald’s de l’histoire et de donner une chance à Pozzecco de se frotter aux joueurs de la grande ligue.

En défense sur Avery Johnson lors de l’open Mc Donalds 1999 (AP Photo/Luca Bruno)
Les San Antonio Spurs des Twin Towers Duncan-Robinson, qui viennent de remporter leur premier championnat représentent la NBA lors de ce tournoi. Ils tombent dès les demis sur les Varesinis. Pozzecco, insaisissable, porte son équipe. Les Lombards joueront les yeux dans les yeux avec les Texans pendant une grande partie de la rencontre. Les Spurs l’emportent de 10 points, et Tim Duncan ne retiendra de ce match qu’une seule chose:
“ Le petit gars aux cheveux rouges était vraiment impressionnant”.
Deux ans plus tard, Gianmarco tentera sa chance de l’autre côté de l’Atlantique. Lui qui officie toujours dans le club du grand Dino (Meneghin) est invité à participer à la Summer League de Las Vegas par la franchise des… Dinos.
Ainsi donc, pendant cet été 2001, il porte le maillot des Raptors. Le bilan Canadien lors de cette quinzaine sera très contrasté, 2 victoires pour 4 défaites et les stats du Poz, bien qu’honorables ne lui permettront pas de se faire une place dans l’effectif de la franchise. Cependant, lors de son dernier match avec Toronto, face au Spurs (encore) l’Italien (21pts,2 passes) se livre à un duel de haute volée avec un Tony Parker (18pts 14 passes), fraîchement drafté par les Texans. Considéré comme trop vieux, et avec son “prime” déjà derrière lui pour réussir aux Etats Unis, Pozzecco rentre en Italie.

Le Boxscore de son duel avec Tony Parker en Summer League. Source: Lagiornatatipo.it
Un brin aigri par ce rendez vous manqué. Il déclarait encore en 2020 au site Basketeurope:
“Je me suis forcé durant cette période à regarder autant de matches NBA que possible pour me mettre à jour, après le quatrième j’avais envie de vomir parce que tout est beau, brillant, merveilleux, mais ce n’est pas mon modèle de basket.”
LA SQUADRA
L’insaisissable rejoint la squadra azzura pour la première fois à l’Euro espagnol de 1997, pour y débuter une carrière internationale bien tumultueuse. Il embraye avec le mondial 98. Jusque ici tout va bien. En 1999, il est tout naturellement dans le groupe dirigé par Bogdan Tanjevic qui prépare le championnat d’Europe.
Le stage des azzuris débute dans la station Alpine de Bormio, dans le nord de l’Italie. Le planning y est simple: entraînements la journée, détente et repos le soir. Une “mise au vert” des plus classiques. Un programme bien trop studieux pour le Pozz. Épris de liberté, et probablement lassé des bienfaits de l’eau des thermes alpins, Gianmarco décide, sur un coup de tête d’aller se faire la tournée des bars locaux. Seul, et au volant du minibus de l’équipe qu’il avait au préalable “emprunté”.
Cette frasque “Pozzequesque” lui vaudra une éviction du groupe sur le champs. La mouche atomique ne reverra pas le maillot bleu azur pendant 3 ans.

Face à Allen Iverson en préparation des JO 2004 Crédit photo: Basketouniverso.it
La nomination au poste de sélectionneur en 2001 de Carlo Recalcati, l’entraîneur de ses belles années à Varese sauvera sa carrière internationale. Il est rappelé en 2004 pour les Jeux d’Athènes. Dix jours avant le tournoi olympique, et contre toute attente les italiens font un récital de basket au Team USA du jeune Lebron James, victoire 95-78 en ayant compté 24pts d’avance durant la rencontre. Le Pozz qui aura tenu la dragée haute à Allen Iverson et Stephon Marbury aura eu sa revanche face aux stars NBA. Trois semaines plus tard cette Nightmare team US se fera sortir du tournoi olympique par l’Argentine en demi finale. L’autre demi nous concerne plus, elle oppose la Lituanie aux Italiens, dans ce qui restera comme l’une des “Masterpiece” de l’histoire du Basket Transalpin.
Héroïques de bout en bout, dans un match devenu historique de l’autre coté des Alpes, le trio Pozzecco, Gianluca Basile, Giacomo Galanda triomphe de Sarunas Jasikevicius et d’une Lituanie taillée pour l’or.
En finale, Pozzecco meilleur marqueur de sa formation (12 pts), ne pourra stopper la génération dorée argentine de Ginobili (16pts) et Scola (25pts). C’est en tant que vice-champion olympique que Gianmarco raccroche définitivement le maillot bleu.
Les trois saisons suivantes, il les jouera à l’étranger, à Saragosse et au Kimkhi Moscou, avant de retourner jouer ses derniers matchs dans son pays natal à Capo d’Orlando, il sera aussi dans l’effectif de la Fortitudo Bologne, championne 2005.
Meneur “farfelu” durant toute sa carrière, il décide alors de mettre un peu de sa folie sur les bancs de touches en se tournant vers le coaching en 2012. Il entraîne Varese, son club de coeur lors de l’exercice 2014-2015 sans grand succès. Il ira ensuite assister son ancien coéquipier des roosters, Veljko Mršić sur le banc du Cevedita Zagreb. Ils gagneront ensemble, et encore en rouge et blanc, deux championnats de Croatie et une coupe de la ligue adriatique. Il est actuellement l’entraîneur du Dinamo Sassari, en Sardaigne avec lequel il a remporté l’Europe Cup (C4) en 2019.

Un entraineur heureux. Gianmarco Pozzecco et Sassari viennent de remporter l’Europe cup en 2019 Photo L.Canu / Ciamillo-Castoria
SON PALMARES
Joueur:
- Champion d’Italie 1999, 2005
- Vainqueur de la coupe d’Italie 1999, 2005
Assistant Coach:
- Champion de Croatie 2016, 2017
- Vainqueur de la coupe de Croatie 2016, 2017
- Vainqueur de la Supercup de la ligue Adriatique 2017
Coach:
-Vainqueur de la FIBA Europe Cup 2019
BONUS, SES MEILLEURS « MOTS »
Parce que Gianmarco Pozzecco ne connaît pas l’expression “Motus et bouche cousue” voici un florilège de ses plus belles sorties:
“Un conseil à un jeune basketteur? Faites tout ce que je n’ai pas fait et vous verrez que tout ira bien.”
Sur son surnom:
» Je suis liée à ce surnom, même si ça craint … C’est déjà un insecte, et notoirement les insectes ne sont pas beaux … Même s’il y a du monde qui aiment les araignées, dans l’imaginaire commun la mouche … Alors au fond la mouche où finit-elle? Sur la merde. «
Sur le métier d’entraîneur:
“Pour être un bon technicien, il faut aussi être un peu une pute. Vous devez faire des choix immoraux comme garder un bon joueur sur le banc et faire jouer un bon joueur que vous ne supportez pas”
Sur le basket moderne:
“Je n’aime pas le jeu d’aujourd’hui. Il me semble que cela va vers le communisme: il n’y a qu’une seule façon de jouer, une seule idée et tout le monde s’est aplati.
“Je remercie tous ceux qui m’ont insulté durant ma carrière, ils m’ont donner la force de continuer.”
Lors d’un entraînement à Chicago avant sa Summer League avec les Raptors, il joue un pick up game ou Michael Jordan a pris part. Il réussit à intercepter une passe de M.J :
Je l’ai regardé et j’ai dit: « Eh bien Michael, je pensais que tu étais un peu plus fort ».
Votre commentaire