[Portrait] Juan Dixon, seuls les forts survivent
Portrait
Né dans le milieu toxicomane des seventies, Juan Dixon s’est toujours battu pour rester sur le bon chemin. Une volonté à toute épreuve qui lui a permis de fermer la bouche de ses détracteurs qui le voyaient trop petit et trop maigre pour le basket. Des bas-fonds de Baltimore aux sommets de la NCAA, retour sur une carrière mouvementée, jalonnée de rencontres et de leçons de vie.
LE BASKET EN INTRAVEINEUSE
« Only the strong survive » sur le bras droit, le nom de ses parents Phil et Juanita sur le bras gauche. Les deux tatouages de Juan Dixon résument parfaitement ce qu’a été son enfance. De son propre aveu, la première leçon laissée par ses géniteurs est de connaître ce qu’il faut faire pour survivre. Né à Baltimore en 1978, Juan grandit dans un milieu de junkies. Ses deux parents, héroïnomanes, disparaissent sans laisser de traces du jour au lendemain pour se réapprovisionner. Leurs voyages entre le domicile et les cellules de prison rythment le quotidien des quatre enfants de la fratrie. Juan raconte que chaque fois qu’il trouvait des aiguilles et des accessoires de drogues, il jetait tout à la poubelle discrètement. Quant à la porte des toilettes, il se refusait de l’ouvrir par peur de trouver sa mère en train de se piquer. Dans ce contexte difficile, Juan est élevé en grande partie par ses oncles, ses tantes et ses grands-parents maternels. Tout un réseau familial savamment organisé qui va lui servir d’équilibre. Son modèle féminin, il va le chercher chez sa tante Sheila, la première femme noire à devenir présidente du conseil municipal de Baltimore. Pour l’autorité paternel, c’est son grand frère Phil qui s’y colle. La relation entre les frangins est fusionnelle. Devenu officier de police plus tard, Phil lui enseigne la discipline et la volonté de s’en sortir coûte que coûte.
A neuf ans, alors que Juan dispute un match de basket, il s’écroule en larmes sur le banc après un sermon de son coach. Son frère descend alors des tribunes pour lui taper sur la poitrine et l’exhorter à se reprendre… car dans la famille, on n’a pas le droit d’avoir peur ! Une anecdote symbolique du rôle de Phil qui va rester dans l’ombre de Juan tout au long de sa carrière sportive. Toute activité qui permet à Phil et Juan de s’extirper aux galères parentales sont bonnes à prendre. La balle orange devient leur échappatoire. Les shoots entre frérots remplacent les shoots à l’héro. Sur le playground du coin, le plus jeune des Dixon prend des pilules contre son aîné, mais revient chaque soir avec la même détermination. Malgré la différence d’âge et de gabarit, Juan est un entêté, se souvient Phil :
Je me souviens de l’époque où il grandissait. C’était un gamin maigre. Il était si faible et si lent. Il ne pouvait jamais me battre. Je le poussais et le poussais, au point qu’il était dégoûté de moi, au point qu’il en pleurait. Mais, il s’est amélioré encore et encore. Il est devenu de plus en plus affamé. J’ai joué avec lui jusqu’à plus soif. Et le jour est arrivé où sa confiance s’est enfin construite. Il a rentré quelques tirs consécutifs et il m’a battu. Je me souviens qu’il a fait le bruit d’un stade bondé de 75.000 places. Voilà à quel point il est fort maintenant !

Juan Dixon avec le maillot de Calvert Hall © Baltimore Sun
Passée l’épreuve familiale, Juan est prêt pour l’échelon supérieur. A 15 ans, il intègre le Cecil Kirk Recreation Center, une institution référence en matière de formation basketballistique. Son directeur de l’époque, Anthony Lewis, patrouille tout l’Etat du Maryland à la recherche des futurs talents. Le profil de Juan l’intéresse. Certes, son physique trop fluet pose des limites, mais son adresse aux tirs mérite l’attention. Lewis choisit de l’associer à Kevin Braswell, futur meneur de Georgetown et pensionnaire du championnat de France à Cholet et Limoges. Pas un hasard, tout comme Dixon, il grandit dans un environnement familial difficile sans présence paternel. Le duo devient rapidement ami et uni dans des séances d’entraînement sur-mesures, où ils envoient plus de 1000 shoots par jour. Le coach prend plus particulièrement Juan sous son aile et devient son mentor. En l’absence de ses parents, Lewis pouvait s’asseoir des heures devant sa maison pour parler de son jeu ou simplement de la vie. Il l’aide à mettre le pied à l’étrier au lycée en le casant à Lake Clifton en compagnie de son pote Kevin Braswell. Un backcourt d’enfer qui malgré son jeune âge cartonnent les défenses adverses. Leur association fait du bruit à Baltimore et attire d’autres recruteurs. C’est le cas de Calvert Hall College via son coach Mark Amatucci. Le lycée évolue dans la Baltimore Catholic League, un championnat prestigieux qui a vu passer Carmelo Anthony ou Rudy Gay récemment. Pour parvenir à ses fins, Amatucci use d’arguments financiers auprès de la famille. Le lycée réglera tous les frais de scolarité grâce à des bourses. Et pour faciliter son intégration, Sherrice Driver, une cousine habitant proche de l’établissement, l’hébergera. Ainsi à la fin de l’été 1994, Juan Dixon déménage pour vivre sa passion au plus haut niveau.
ORPHELIN A 16 ANS
Le conte de fée est de courte durée. A peine le temps de découvrir son nouveau campus que Juan est rattrapé par ses problèmes familiaux. Toujours accroc à la came, Juanita est atteinte du VIH, après avoir partagé une seringue infectée. Divisé entre le terrain et l’hôpital, Dixon voit sa mère s’éteindre à petit feu. Elle décède au bout de quelques mois en décembre. Le calvaire ne s’arrête pas là. Juste après cela, c’est au tour de son père de contracter le virus du Sida. Lui aussi succombe rapidement laissant toute la fratrie orpheline. Plutôt que de s’apitoyer sur son sort, Juan décide de se battre. Seuls les forts survivent… ces mots deviennent son leitmotiv. Le lendemain de l’enterrement de Juanita, les frangins évacuent leur tristesse et leur colère sur le playground. Phil fait alors jurer à Juan que le basket sera sa porte de sortie. Le message est reçu. Deux jours après les funérailles de son père, Dixon se présente au match qui oppose Calvert Hall au lycée de Atholton High. Coach Amatucci préfère garder son joueur sur le banc durant le premier quart-temps, ce dernier n’ayant pas pu s’entraîner de la semaine. Entré en jeu seulement en cours de second quart-temps, Juan score 25 points dans une victoire éclatante. Une force de caractère inébranlable qui va séduire Amatucci au fil de son cursus :
Je m’attache aux enfants que j’entraîne, mais celui-ci est un peu spécial. Quiconque apprend à connaître Juan Dixon doit respecter ce qu’il a vécu et les décisions qu’il a réussi à prendre, malgré ces tragédies. Lorsque vous perdez vos deux parents en un an et demi, c’est quelque chose dont beaucoup d’adolescents ne se remettent jamais. En raison de sa détermination et de sa résilience face à ces drames, c’est tout simplement incroyable ce qu’il a pu accomplir.
Sous ses allures de poids plume, Dixon étonne la plupart des observateurs dans son année junior. Leader offensif des Cardinals (21.2 points de moyenne), Juan possède déjà un pull-up jumper dévastateur. En plus de ses qualités de sniper, c’est surtout son sang froid dans le quatrième quart-temps qui force l’admiration. Contre St. Frances, l’ogre invaincu de la BCL, il score 12 points dans le clutch time pour infliger la seule défaite de la saison aux Panthers (60 à 54). Il sera même tout prêt de récidiver en finale du championnat où ses 26 points pèsent lourd toujours face à St. Frances. Dixon se console quand même avec une sélection dans la All-Baltimore City-County Boys qui récompense les meilleurs joueurs de la région.

© Baltimore Sun
Sa saison senior sera du même tonneau. Encore des progrès au scoring (23.4 points) et quelques efforts notables en défense selon Amatucci. Quand Juan est en feu, il n’y a plus de distance, impossible de l’arrêter comme lors du sommet contre Anacostia, leader de l’Etat de Washington DC. Dixon plante 47 points sur la tête de Lonny Baxter, son futur coéquipier à la fac. Car, après une troisième défaite consécutive en finale contre St. Frances, Juan se prépare pour la NCAA. Comme une évidence, il s’engage avec Maryland, la grosse machine universitaire du coin. Son parcours en high school n’a pas échappé aux recruteurs des Terrapins et son coach Gary Williams. Séduit par l’intensité déployée par le gamin, il lui propose de rejoindre le campus. Pourtant les craintes sont grandes autour de lui. En plus de son jeu décrit comme unidimensionnel, son poids pose réellement question à ce niveau. Avec 69 kilos sur la balance, Juan est de loin le joueur plus léger de la Conférence ! Une carence rédhibitoire selon les observateurs pour porter une fac sur ses épaules.
TOUT LE MARYLAND SUR SES EPAULES
Jusqu’en 2013, Maryland évolue dans la prestigieuse ACC (Atlantic Coast Conference), la conférence la plus relevée du pays avec à son bord des cylindrées comme Duke, North Carolina ou Syracuse. Dans ce gratin universitaire, les Terrapins tirent leur épingle du jeu : 15 participations au tournoi NCAA avant l’arrivée de Dixon, avec pour apogée deux éliminations aux portes du Final Four en 1973 et 1975. Depuis plus rien… ou plutôt si, des scandales. En 1986, Len Bias est drafté par les Celtics en seconde position. Retourné sur le campus de Maryland pour fêter cela avec ses amis, il est retrouvé mort quelques heures plus tard d’une overdose. En 1988, c’est au tour du coach Bob Wade de démissionner après avoir enfreint 18 règles dans le programme de recrutement. Arrivé en juin 1989, l’entraîneur Gary Williams fait le ménage. La fac a même de nouvelles ambitions à la fin des nineties avec sa perle Steve Francis.

© ESPN The Magazine
C’est dans ce contexte que débarque Juan Dixon. Remplaçant attitré de Stevie Franchise, il est surtout là pour apprendre. Avec le départ en boulet de canon des Terrapins, il grappille d’abord quelques minutes dans des victoires faciles. Puis, à l’instar de l’autre freshman Lonny Baxter, il s’installe pour de bon dans les rotations. Il faut dire que Juan n’a pas froid aux yeux et ne refuse jamais un tir ouvert. Comme son adresse ne l’a pas lâchée, il carbure à 37,1% à 3 points tout en étant le second joueur le plus prolifique derrière l’arc. Avec 7.4 points en 15 minutes, il participe à l’excellent parcours de Maryland qui termine avec un bilan de 28 victoires pour 6 défaites, synonyme de deuxième place de l’ACC. Malheureusement, il ne peut empêcher une nouvelle désillusion au tournoi NCAA qui se solde par une défaite contre St Johns, encore une fois lors du Sweet Sixteen. Le départ de Steve Francis pour la NBA en juin 1999 marque la fin d’un projet. Maryland s’apprête à vivre une saison de transition en repartant avec un groupe composé de huit freshmen ou sophomores.
A 20 ans, Juan Dixon a un autre plan en tête. Durant l’été, il bosse comme jamais son physique et gagne 9 kilos de muscle. Propulsé titulaire par Gary Williams, il s’impose immédiatement comme le leader offensif et charismatique de l’équipe. A la surprise générale, les Terrapins roulent sur la conférence avec un bilan de 10-2 fin décembre 1999… on pourrait croire au bug de l’an 2000, mais non, Dixon est bel et bien transfiguré. En plus de ses bombes à 3 points, il ajoute du scoring sur jeu rapide où sa vitesse le rend insaisissable. Les médias commencent à s’emparer du phénomène après un game winner incroyable contre Illinois. La confirmation a lieu en février contre les invincibles Blue Devils. Sur son parquet du Cameron Indoor Stadium, Duke est invaincu depuis 46 matches et reste sur 32 victoires consécutives contre des opposants de l’ACC. Face à Shane Battier, Carlos Boozer ou Mike Dunleavy Jr, Juan Dixon paraît bien frêle. C’est pourtant lui qui crève l’écran ce soir-là avec 31 points et une victoire référence à l’extérieur. Le shooteur finit la saison en trombe avec 18.0 points, 5.5 rebonds, 3.6 assists et 2.7 interceptions, des statistiques supérieures à celles de Steve Francis, qui l’eut cru ! Dans son sillage, Maryland prend la seconde place de la conférence, mais butte encore lors du tournoi NCAA. Cette fois au second tour contre UCLA porté par le frenchie Jérôme Moïso (14 points, 9 rebonds et 3 blocks).
Après son explosion en 2000 et sa sélection dans la First Team All-ACC, changement de statut pour Dixon. Il est désormais l’arrière le plus craint de la conférence. Ça ne l’empêche pas d’enregistrer une autre saison à 18.2 points en sulfatant à 41,1% longue distance. Par habitude, il garde ses meilleures munitions (28 points) pour les Blue Devils avec une nouvelle victoire sur leur parquet, 80 à 91. Une belle revanche après une défaite douloureuse quelques semaines plus tôt à domicile contre ces mêmes Dukies. En antenne nationale, les Terrapins menaient de 10 points à une minute du buzzer, avant de se faire rattraper puis battre en prolongation. Une remontada culte baptisée The Miracle Minute. Bien entouré par Lonny Baxter dans la peinture (15.6 points, 7.9 rebonds) et Steve Blake à la mène (6.9 assists), Juan aborde le tournoi NCAA le couteau entre les dents. Les deux premiers tours sont passés sans trop d’encombre contre George Mason et Georgia Tech. L’adversaire lors du Sweet Sixteen, Georgetown, est d’un calibre supérieur, d’autant plus que Dixon retrouve face à lui son pote Kevin Braswell. Si le Hoya remporte ce mano a mano amical (17 points et 5 rebonds contre 13 points et 5 rebonds pour Juan), c’est bien Maryland qui passe ce tour, 76 à 66. Le match suivant est un rendez-vous avec l’Histoire : en cas de victoire contre Stanford, les Terrapins se hisseraient pour la première fois jusqu’au Final Four. Devant l’événement, Juan ne tremble avec 17 points à 70% de réussite. Le run de 13 points qu’il mène avec Baxter a raison des Cardinals. Maryland peut savourer sa première participation aux demi-finales, le hasard voudra que ce soit face à Duke, pour ce qui est désormais un Classic NCAA. En feu dès le début de match, Dixon est proche de mettre K.O. les Blue Devils : 39-17 au bout de 15 minutes. Mais, porté par Shane Battier, Duke grignote petit à petit son retard et finit sur un 23-12 létal sur les 7 dernières minutes. Meilleur scoreur de Maryland avec 19 points, Juan doit s’incliner tout proche du Graal.

© Brian Bahr Allsport
Avec tous leurs cadres de retour pour la saison 2001-2002, les Terrapins repartent pour une dernière danse. Classée en deuxième position par les bookmakers, la fac est attendue au tournant. Dans la raquette, Lonny Baxter peut compter sur les progrès du bondissant sophomore Chris Wilcox (12.0 points, 7.5 rebonds et 1.5 block). A l’arrière, Steve Blake continue de régaler (7.9 assists) et Juan Dixon d’allumer la mèche : 20.4 points à 46,9% aux tirs ! La défaite initiale contre Arizona a le mérite de remettre les idées en place du groupe qui enchaîne 8 victoires consécutives avec un écart moyen de 21 points ! Une série stoppée par les Blue Devils, 99 à 78. Dans leur antre, les Diables Bleus rappellent qu’ils sont champions en titre et qu’il faudra compter sur eux. Cette gifle galvanise Maryland qui cette fois embraye sur 12 succès de rang pour terminer la saison… et en prime une revanche contre Duke à domicile, 87 à 73. Avec un bilan de 32 victoires pour 4 défaites, les Terrapins se pointent au tournoi NCAA avec un moral gonflé à bloc.
La hype autour de l’équipe franchit les frontières de l’état. L’histoire personnelle de Juan Dixon n’est pas étrangère à cela. Le slogan « Fear the Turtle » résonne à travers tout le pays. Originellement baptisée The Old Liners, l’équipe du Maryland décide de changer de nom en 1932 pour passer à quelque chose de plus moderne. Un référendum dans le journal de l’école conclut vite au surnom de Terrapins, en référence à la Diamondback Terrapin, une race de tortue endémique de la région. Et cette tortue sort complètement de sa carapace en début de tournoi : +15 au premier tour contre Siena, puis +30 contre Wisconsin au second tour. Des volées qui portent le sceau de Dixon avec 58 points inscrits sur les deux rencontres. Kentucky est surclassé sans problème lors du Sweet Sixteen (78 à 68), ce qui ne sera pas le cas de Connecticut en quart de finale. Avec 26 de ses 32 points inscrit en seconde mi-temps, le Huskie Caron Butler est tout prêt de mettre la tortue sur le dos. Dixon pèse avec ses 27 points, mais c’est Steve Blake qui délivre les siens avec un 3 points clutch à 25 secondes de la sirène. Qualifié une nouvelle fois pour le Final Four, Maryland doit en découdre avec un autre prétendant sérieux, les Jayhawks de Kansas. Une opposition décrite par beaucoup comme une finale avant la lettre. Distancé 13 à 4 dès l’entame, Juan Dixon inscrit 10 points consécutifs pour recoller avant la mi-temps. C’est lui également qui sonne la charge en seconde période avec un tir primé à 1’14 » de la fin qui scelle définitivement le sort de Kansas. Le petit arrière est le grand bonhomme du match avec 33 points et un impact constant sur le jeu. Il offre aux Terrapins leur première finale NCAA.
C’est bien connu, une finale n’est belle que si on la gagne. Sur la dernière marche, Maryland est face aux Hoosiers d’Indiana, tombeurs un peu auparavant de Duke. En guise d’opposition, les 53.000 spectateurs du Georgia Dome ont le droit à un cavalier seul. Jamais inquiété, Maryland l’emporte 64 à 52. Fidèle à son parcours pendant le tournoi, Juan est ultra propre sur la finale : 18 points à 67% aux tirs, 5 rebonds et 5 steals. Comme un symbole, c’est lui qui hérite du dernier ballon du match envoyé furieusement dans les tribunes pour laisser exploser sa joie. Maryland est sur le toit de la NCAA pour la première et la seule fois de son Histoire. Dixon jugé trop frêle pour le niveau il y a encore quatre ans, a mis le championnat à ses genoux. 25.8 points, 3.8 rebonds, 3.2 assists, 2.0 steals et un irréel 51,2% derrière l’arc pendant la March Madness. Nommé dans la First Team All-American et élu Meilleur Joueur du Final Four, Juan devient le premier universitaire à cumuler 2000 points, 300 steals et 200 tirs primés. A son départ du campus, il est tout simplement le meilleur scoreur de l’Histoire des Terrapins devant Len Bias. Un exemple de persévérance et de travail qui n’a pas oublié d’où il vient lors de son interview post finale :
Si j’avais un souhait, juste un souhait, ce serait que mes parents puissent me voir maintenant. Voir ce que j’ai fait de moi, et quel genre de personne je suis devenu. Ce que je veux dire, c’est que si vous aviez dit à quelqu’un il y a cinq ou six ans que Juan Dixon serait là où je suis aujourd’hui, ils auraient dit que vous étiez fou. Je n’aime pas particulièrement revenir sur certaines parties de ma vie. Je sais que les gens s’intéressent à la façon dont je m’en suis sorti, et je sais que certains trouvent cela inspirant. Mais, vous ne pouvez pas le faire seul. C’est un travail d’équipe. Vous n’arrivez à rien, seul. J’ai croisé beaucoup de personnes qui m’ont motivé pour arriver là où je suis.

LA NBA, UNE MARCHE UN PEU TROP HAUTE ?
Le parcours sans faute de Juan Dixon ne lui assure pas pour autant une place de choix à la draft. Ses limitations physiques rebutent pas mal de scouts qui doutent de ses capacités à s’imposer dans une ligue très athlétique. En plus, début 2000, les pivots ont encore la cote auprès des franchises qui recherchent l’arme anti-Shaq ! La cuvée 2002 n’échappe pas à la règle avec 8 big men dans le Top 12. La veille de la draft, les Wizards échangent Courtney Alexander contre le 17ème choix des Hornets. Le but de ce trade, récupérer le shooteur de Maryland qui a fait des essais avec le coaching staff. Quand ce dernier se voit appeler par David Stern, il ne peut retenir ses larmes. Il prend la direction de Washington, où un certain Michael Jordan l’attend ! Après sa seconde retraite avec les Bulls, His Airness décide de faire du rab’ dans la capitale. D’abord président des opérations basket, MJ enfile le short en 2001 pour remettre l’équipe sur les bons rails. Mais, la dixième place à l’Est conforte l’idée que DC a besoin de talents. Les arrivées de Jerry Stackhouse et Larry Hughes à l’intersaison vont dans ce sens, de même que la draft où les Wizards récupèrent Jared Jeffries (11ème choix) et donc Juan Dixon. MJ ne cache pas ses attentes envers l’ex Terrapin :
C’est un gamin qui vient de passer quatre années à l’université, donc évidemment il sait à quoi s’attendre et connaît parfaitement les fondamentaux du jeu. Il a vraiment réalisé de grandes choses avant d’arriver ici. Je pense que ça va aller pour lui. Il a toujours prouvé quel que soit le niveau, donc ce n’est pas quelque chose de nouveau pour lui.
Malgré la confiance que lui accorde le GOAT, la transition entre la vie de superstar en NCAA et celle de role player en NBA n’est pas évidente. Dans la Grande Ligue, Dixon a le jeu d’un shooting guard dans le corps d’un meneur. Incapable de défendre sur des arrières puissants et sans le playmaking pour évoluer au poste un, son profil hybride interroge son coach Doug Collins. Et, on comprend rapidement que le temps de jeu du rookie dépendra de son adresse. Il peut passer de 14 minutes contre Indiana après un piteux 0/5 aux tirs à 44 minutes une semaine plus tard face aux Bulls, où Dixon bombarde à 10/17 pour un total de 27 points. En shootant seulement à 38,4% sur la saison pour une moyenne de 6.4 points, le rookie passe beaucoup de temps à observer et apprendre. Les Wizards laissent encore passer le wagon des playoffs avec pour conséquence la retraite définitive de MJ… et le renvoi du coach Doug Collins remplacé par Eddie Jordan. La signature l’été 2003 du free agent Gilbert Arenas laisse espérer des jours meilleurs. Washington enregistre aussi l’arrivée de Steve Blake puis de Lonny Baxter, faisant flotter comme un parfum de Maryland dans le vestiaire. Regaillardi par le recrutement de ses anciens coéquipiers, Dixon montre quelques progrès dans le jeu : il dépasse les 10 points à plus de 34 reprises et se permet une pointe à 30 unités contre les Trailblazers pour un record en carrière. Mais, une blessure au long cours de Stackhouse réduit une nouvelle fois les espoirs de playoffs à néant. DC regarde la postseason à la TV pour la septième fois d’affilée !

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En réaction à cet échec, le front office échange Jerry Stackhouse contre Antawn Jamison. Scoreur dans l’âme, ce dernier fait passer un palier à l’équipe. Dixon s’installe, lui, comme la principale rotation du backcourt. Plus constant au shoot, il suit la trajectoire de l’équipe avec notamment un sublime mois de janvier : 15.9 points à 54,6%, 3.2 assists et 2.1 steals. Le bilan de 45-37 permet aux Wizards de décrocher la 5ème place à l’Est et d’affronter les Bulls au premier tour. Pour sa découverte des playoffs, Juan se montre à la hauteur. Menés 2 à 1, DC a l’occasion de recoller à domicile. Occasion saisie par Dixon qui sort de sa boîte avec 35 points à 11/15 aux tirs. Une performance XXL qui enterre définitivement les espoirs de Chicago, battu 4 à 2. La marche est toutefois trop haute au second tour contre le Heat du jeune Dwyane Wade et ses 31.0 points de moyenne sur la série. Sweepé sèchement, Juan n’a pas été ridicule avec 10.3 points et 3 rebonds.
Agent libre l’été 2005, Juan s’engage avec Portland via un deal de 8 millions sur 3 ans. La franchise a encore la gueule de bois de sa période Jail Blazers et se cherche une identité. Le nouveau coach Nate McMillan souhaite reconstruire avec des jeunes talents : Juan Dixon et son pote Steve Blake arrivent dans l’Oregon pour cela. Mi-décembre, le bilan de Portland est cata – 6 victoires pour 16 défaites – McMillan décide alors de changer ses rotations en intégrant Dixon dans le 5 majeur. Le hasard voudra que ce soit contre son ancienne équipe des Wizards. Avec 20 points, Juan est le meilleur scoreur des Blazers qui renouent avec la victoire. Cette titularisation le galvanise. Il enchaîne les cartons et s’affiche à 17.9 points à 40% de loin, 3.9 assists et 1.6 steals jusqu’au All Star Break. La coupure brise quelque peu son élan, mais Dixon réalise de loin sa meilleure saison statistique avec 12.3 points, la troisième menace offensive de Portland. Alors que l’on croit sa carrière NBA lancée, la draft 2006 change la donne. Avec le 6ème choix, Rip City met la main sur Brandon Roy. Le talent indéniable du rookie pousse Juan Dixon sur le banc. L’arrière fait désormais doublon avec celui qui représente clairement l’avenir de la franchise. A la trade deadline, il est évacué à Toronto contre Fred Jones. Le début de la fin pour lui. Juan a beau tourner à 11.1 points sur la fin de saison, il ne fait pas partie du projet canadien. En février 2008, il est envoyé à Detroit contre Primoz Brezec pour jouer les utilités en bout de banc. Il signe un dernier contrat avec les Wizards en 2008, histoire de boucler la boucle, dans une saison pourrie par la blessure de Gilbert Arenas.
RETOUR AUX SOURCES A BALTIMORE
A 31 ans, Juan Dixon quitte la NBA pour tenter sa chance sur le Vieux Continent. Une pige de 7 matches avec l’Aris Salonique lui remet le pied à l’étrier. Ses 31 points en autant de minutes contre l’AEK Athènes prouvent qu’il reste un shooteur efficace. Il termine la saison à l’Unicaja Malaga où il tourne à 18.8 points de moyenne en Liga ACB. Son engagement en Turquie la saison suivante avec Banvit est de courte durée. Contrôlé positif à la nandrolone, un anabolisant interdit en Europe, Dixon est suspendu. Une histoire de drogue qui fait tâche compte tenu de son histoire personnelle, surtout quand on sait que la nandrolone est parfois utilisée pour renforcer les personnes atteintes du VIH.
Son passé n’a pas fini de le rattraper. En 2017, un certain Bruce Flanigan fait irruption dans sa vie en déclarant être son père biologique. Dans les années 70, il a eu une aventure avec Juanita Dixon et après avoir assisté à l’odyssée de Juan à Maryland, il est persuadé qu’il s’agit de son fils. Comme il ne voulait pas interférer pendant sa carrière professionnelle, il ne s’est manifesté que sur le tard. Dès leur première rencontre, alors que les tests ADN n’ont pas encore été révélés, Juan est stupéfait par la ressemblance physique avec Flanigan. Le test de paternité ne fera que confirmer l’évidence. A 40 ans, Dixon retrouve donc une partie de lui qu’il pensait perdue pour toujours. 2017 est également l’année où Juan se reconvertit au coaching. Nommé head coach de Coppin State à Baltimore, il peut de nouveau goûter aux joies du basket universitaire dans sa ville natale. Dans la Mid-Eastern Athletic Conference, la fac n’est pas la plus cotée, mais Dixon est parvenu à améliorer trois saisons de suite le bilan des Eagles. Ce retour au bercail est une bénédiction et une opportunité de transmettre, à son tour, les valeurs qui l’ont construit :

© USA Today Sports
Tout le monde a une histoire et la mienne est unique. J’ai de nombreuses leçons de vie qui accompagnent mon histoire. C’est important que je partage mes succès comme mes échecs. Ce sont les choses que je dois inculquer aux jeunes de notre équipe. Mon objectif est de faire d’eux de meilleures personnes tout en améliorant leur jeu. C’est excitant et mon parcours me permet de boucler la boucle. Je suis né et j’ai grandi à trois minutes du campus de Coppin State. C’est formidable pour moi d’être dans une position où je peux apporter à la communauté, aider les jeunes à se développer et montrer aux gens que l’école a une nouvelle vision.
PALMARES ET STATISTIQUES
Champion NCAA (2002)
NCAA Final Four Most Outstanding Player (2002)
All-American First Team (2002) Third Team (2001)
First Team All-ACC (2000, 2001 et 2002)
Stats NCAA : 16.1 points à 46,8% aux tirs, 4.2 rebonds, 2.6 assists
Stats NBA : 8.4 points à 41,3% aux tirs, 1.9 rebonds, 1.8 assists
SA CARRIERE EN IMAGES
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