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Jean-Paul Beugnot : l’Europe à ses pieds

France

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Depuis plus de 70 ans, le nom de Beugnot nourrit l’actualité et l’histoire du basket français. Successivement Jean-Paul, le père, Eric et enfin Gregor, les fils, ont connu, chacun dans son style, leurs moments de gloire. Retour sur l’épopée de Jean-Paul, qui fut à l’évidence l’un des meilleurs pivots en Europe dans les années 60.

L’histoire sportive du jeune Jean-Paul débute chez les Bleus de Bar le Duc dans la Meuse. Elle s’emballe en 1950, à 19 ans, lors du match en Excellence (2° niveau national) à Bar contre les Pierrots de Strasbourg. Beugnot est grand, volontaire et très perfectible. A l’issue de la rencontre, une femme s’approche de la délégation strasbourgeoise. Elle est Alsacienne, son mari avait été militaire de carrière à Strasbourg, elle avoue la nostalgie de sa région, à tel point que la famille envisage de revenir. Lorsqu’il comprend qu’il s’agit de la mère du « jeune géant », André Tondeur, l’homme aux neuf titres de champion de France à Mulhouse, officier-formateur à l’école militaire de Strasbourg et coach des Pierrots, tend l’oreille. Et flaire très vite l’opportunité. L’affaire se conclura par l’inscription du jeune Jean-Paul à cette école militaire. Et accessoirement sa signature aux Pierrots. Jean-Paul, né à Schiltigheim, dans la banlieue de Strasbourg, retrouve sa région natale, là où le reste de sa famille est installé.

1951 : Jean-Paul Beugnot, 20 ans, frappe les esprits au Tournoi d’Istanbul. Il est fêté à son retour par ses coéquipiers des Pierrots de Strasbourg qui l’accueillent à la gare. @DNA.

Entraîneur hors pair, André Tondeur prend en mains l’échalas de plus de 2m et 78 kg et le fait rapidement progresser. « Il était raide comme un bâton, s’est souvenu Jean Schlick, un de ses coéquipiers de l’époque, mais à force de multiplier les stages, il a beaucoup progressé. Les trois secondes dans la raquette n’existaient pas alors. Notre rôle consistait à lui donner la balle au – dessus du panier. Chacun avait un rôle très précis dans l’équipe : il y avait le récupérateur, le passeur et le shooteur. Et si d’aventure, le passeur se permettait de tirer, il sortait… »

Assistant de Robert Busnel, le sélectionneur de l’équipe de France, André Tondeur lui souffle le nom de Beugnot. Celui-ci intègre à 20 ans une équipe de France en manque de taille. D’abord en Yougoslavie, puis lors du Tournoi d’Istanbul dans un stade en plein-air devant 12 000 spectateurs. Beugnot s’y révèle comme l’un des meilleurs joueurs du Tournoi. Au passage, histoire d’intimider la concurrence étrangère, Busnel, dont le sens du marketing ne s’est jamais démenti, fait grimper sa taille de quelques centimètres sur les documents officiels. Il fera ainsi 2,07 m.

Au retour de Turquie, ses coéquipiers des Pierrots l’accueillent à la gare de Strasbourg avec fleurs, musique et jeunes filles en costume alsacien.

LE DOUBLÉ DE 1958

1960 : Jean-Paul Beugnot face à Roger Haudegand, autre « géant » de l’époque. @L’Equipe Basket Magazine.

La carrière de Beugnot est lancée. Il devient la cible n°1. André Kuntz, un ancien adversaire mulhousien qui deviendra CTR, se souvient : « Nous étions deux à le marquer. L’un ne s’occupait que de ce qui se passait en haut, l’autre en bas ».

Il est retenu pour les Jeux de Helsinki à 21 ans en compagnie de André Buffière, Robert Monclar ou René Chocat (8° place) et s’installe chez les tricolores qui possèdent ainsi – enfin – un point d’ancrage.

Après deux saisons, le maillot jaune et noir des Pierrots lui apparaît trop étroit. Beugnot, très sollicité, opte pour l’Etoile de Mézières, soutenue par une enseigne d’électro-ménager. Il y signe, les Pierrots renoncent aussitôt au championnat de France. Mais Jean-Paul a trouvé son club : il y restera durant tout le reste de sa carrière avant de terminer à l’Espé Châlons sur le tard. Rapidement c’est l’ascension. L’Etoile accède à l’élite, puis se forge une solide réputation de terreur

1958 : retour à Charleville pour les nouveaux champions de France.

Les résultats suivent. Et de quelle manière : en battant le PUC et Roger Antoine en finale de la Nationale 1 en 1958 (48-44) en compagnie de son frère, Robert, Jean-Paul Beugnot est sacré champion de France. Mézières (qui deviendra Charleville-Mézières) réalise même le doublé avec la Coupe de France face à Villeurbanne. Beugnot, 36 points, inscrit la moitié des points de son équipe (72-65). Un an plus tard, il atteint les quarts de finale de la Coupe d’Europe des clubs après avoir éliminé le Real Madrid en deux manches et conserve la Coupe de France.

Charleville devient la référence, attirant de très bons joueurs confirmés comme Jean Perniceni. Défaite en demi-finales en 1959 contre Villeurbanne, mais nouveau titre la saison suivante en inscrivant 31 points lors de la finale face au SA Lyon de Maurice Buffière (61-57).

C’est à cette période qu’il retourne du côté de Strasbourg, en jouant contre la SIG en Coupe de France. Comme à son habitude, René Zimmer, le lutin alsacien, donne sur le terrain les consignes tactiques en alsacien, histoire de perturber l’adversaire. Mais on ne roule pas Beugnot : il connait la chanson et lui réplique aussitôt, en alsacien également et dans l’hilarité générale : « Si tu crois que je ne comprends pas ce que tu dis, tu as oublié d’où je viens ! ».

Jean-Paul, outre Christian Baltzer, voit débuter en équipe de France, un troisième Alsacien, le jeune Jérôme Christ, 19 ans, fer de lance de la SIG. Il le prend sous son aile. C’est le début d’une amitié qui ne s’est jamais démentie ponctuée par le passage de son fils Gregor à la SIG en 1975.

DANS LA PREMIÈRE PROMOTION DE L’ACADÉMIE

1958 : L’équipe de France rentre de déplacement. De gauche à droite, Robert Monclar, Robert Busnel (DTN), Jean-Paul Beugnot, Henri Grange. @ Une histoire du basket français.

Dès lors Jean-Paul Beugnot, généreux dans l’effort, doté d’une belle détente et d’un talent de boute-en-train poursuit de front une belle carrière internationale et dans son club. Disputant les Jeux olympiques à trois reprises : Helsinki (8°), Melbourne (4°) et Rome, une grande déception due à une mauvaise préparation collective (9°). Collectionnant par ailleurs de sacrés souvenirs comme le Mondial de Rio (4°), le voyage en Orient-Express pour Sofia et un match en plein-air contre la Bulgarie devant 23 000 spectateurs. Ou, enfin, ses duels épiques face au phénomène soviétique de 2,18m, Jan Krouminch, déniché par Alexander Gomelski, avec, notamment, la retentissante victoire contre l’URSS en février 1956 à Paris, match retransmis en direct à la télé. « Au début, on l’a vu ridicule dans des France-Belgique devant des joueurs de petite taille, commenta André Buffière. Mais il a beaucoup bossé et son registre l’aurait mis très à son aise dans le basket moderne. Il était grand et bien plus mobile que les monstres de l’époque, les Krouminch et compagnie devant qui il s’écartait pour shooter à quatre, cinq mètres… ».

Fort d’un total de 98 sélections entre 1951 et 61 et 1072 points inscrits sous le maillot tricolore, Beugnot quitte les Bleus à 30 ans pour se consacrer à sa carrière professionnelle (il est devenu ingénieur dans la métallurgie) et à l’Etoile.

Car en club, il fait de la salle Dubois-Crancé un fief redouté. L’Etoile reste placée chaque saison. En 1962, Beugnot, au sommet de son art, est sacré meilleur marqueur de la N1 (27,3 points). Pourtant, en 1965, malgré l’apport de Jean-Claude Lefevre (2,18 m) et de Charles Tassin, l’équipe termine dernière d’une compétition resserrée (12 équipes) avant un repêchage opportun suite à un élargissement de l’élite. En 1967, c’est le déclin : Charleville quitte l’élite. Beugnot a 36 ans. Il continue encore à jouer dans les divisions inférieures avant de raccrocher.

1973 : Jean-Paul Beugnot (à droite) a 42 ans. Il participe au jubilé de Henry Fields (à ses côtés). A gauche, Max Dorigo et Roger Antoine. @L’Equipe Basket Magazine.

Il devient dirigeant, entre au Comité directeur de la FFBB en 1976 avant d’en devenir le vice-président entre 1988 et 92. Il s’installe ensuite à Montpellier, fut élu au comité départemental de l’Hérault en 2000. Jean-Paul Beugnot est mort en 2001 à 69 ans.

Il fait partie, en 2004, de la première promotion de l’Académie du basket-ball français en compagnie de Jacky Chazalon, Roger Antoine, Christian Baltzer, André Buffière, Maxime Dorigo, Hervé Dubuisson et Alain Gilles.

About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

2 Comments on Jean-Paul Beugnot : l’Europe à ses pieds

  1. Juste une remarque sur la règles des 3″ qui contrairement à ce qui est indiqué dans le texte existait bien, puisqu’elle a été introduite en 1932.
    Ce qui n’enlève rien au panache de Jean Paul Beugnot, qui comme l’explique très bien l’article était une star de l’Europe avant l’heure.
    Bravo à toute votre équipe pour la qualité et la diversité de vos articles, si appréciés en cette période de confinement.

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  2. Dominique WENDLING // 26 mars 2020 à 11 11 22 03223 // Réponse

    En effet, mais je me suis basé sur le commentaire que m’avait fait Jean Schlick l’un de ses coéquipiers des Pierrots. Peut-être la règle des 3 s n’existait -elle pas en Excellence ? En tous cas, merci de vos encouragements au nom de l’équipe Basket Rétro !

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