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[Sneakers] La Superstar : le parquet, le hip-hop, la mode

Sneakers

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Le phénomène est rare, mais puissant : certains modèles de chaussures prisés en NBA sont sortis du terrain, ont traversé les époques et sont devenus des produits iconiques. Après la Converse All Star/Chuck Taylor (1917) et avant la Nike Air Force 1 (1982), il y eut la Superstar, signée adidas qui fête ses 50 ans. Retour sur le cheminement étonnant de ce best-seller passé des parquets à la mode en passant par le hip-hop.

1968 : Envoyé par son père, Adi Dassler, le fondateur, pour convertir le monde du sport à adidas, le jeune Horst Dassler réalise, à 31 ans, un coup de maitre aux Jeux de Mexico. Très actif sur place, il signe plusieurs athlètes qui s’y illustrent comme Dick Fosbury, Bob Beamon, etc… Et, surtout, il gagne la bataille de l’image contre Puma, son frère ennemi.  Pour lui, il est temps de capitaliser sur ce succès en développant de nouveaux produits pour de nouveaux marchés.

CRÉE ET PRODUITE EN ALSACE

Chris Severn, l’un des créateurs de la Superstar. Ici lors d’un séminaire à Portland en janvier 2020.

Quelque temps plus tôt, il avait discuté avec Chris Severn, qui, avec ses frères, fait partie des distributeurs de la marque aux Etats-Unis. Le Californien l’oriente vers le basket, sport qui monte en puissance avec l’apparition aux côtés de la NBA, de l’ABA, autre ligue professionnelle.

Severn explique à Dassler que les joueurs réclament de meilleurs produits et une alternative à la toile (« canvas »). Convaincu par l’opportunité, Horst Dassler inclut l’Américain dans un groupe de travail au bureau d’études alors basé à Dettwiller en Alsace. Très rapidement, et sous l’impulsion de Severn, les techniciens conçoivent deux modèles inspirés de la chaussure Robert-Haillet, première chaussure de tennis en cuir, lancée en 1964, qui deviendra par la suite la célèbre Stan Smith. La Supergrip, chaussure basse, et la Pro Model, sa déclinaison en tige haute, sortent de l’usine alsacienne en 1967. Elles font d’ailleurs partie du catalogue de la marque pour les JO de 1968.

Les techniciens ajoutent ensuite une coquille de protection au niveau des orteils (« Shell Toe ») au modèle doté d’un talon renforcé, d’une tige en cuir souple, d’une languette surélevée pour protéger le talon d’Achille et d’une semelle conçue pour adhérer au parquet. Au final, l’ensemble marque une véritable rupture technique.

LE DÉCLIC AVEC LES BOSTON CELTICS

Une publicité axée sur Kareem Abdul Jabbar dans les années 70.

Le succès n’est pas immédiat. Les pros, habitués à la toile, la trouvent d’abord trop lourde. Et rechignent à l’adopter. Chris Severn réussit toutefois à convaincre le coach des San Diego Rockets, Jack Mc Mahon, qui propose les modèles avec succès à quelques joueurs souvent blessés. Elle est également portée par des étudiants américains de Team USA aux Jeux de Mexico.

Mais, petit à petit, le bouche à oreille fonctionne. La chaussure est testée, puis adoptée et enfin plébiscitée. Les Boston Celtics de Bill Russell enlèvent le titre NBA devant les Lakers en 68/69 avec, pour certains, des Supergrip et des Pro Model aux pieds. Pour célébrer cette étape, le modèle tige basse est rebaptisé et devient la « Superstar ».

C’est le début d’une décennie flamboyante et unique au cours de laquelle le modèle, fabriqué majoritairement dans les usines françaises de Dettwiller, devient la chaussure de référence dans la grande Ligue. Les spécialistes estiment qu’en 1973, 83% des pros de la NBA portent des chaussures adidas dont 75% des Superstars !

Alors aux Milwaukee Bucks, Kareem Adbul Jabbar troque sa Pro-Keds pour signer avec adidas et apporte à la chaussure sa légitimité et sa popularité naissante auprès des basketteurs du monde entier. Jerry West et Pete Maravich la portent également. A cette époque-là, Phil Knight, futur créateur de Nike, distribue des modèles Tigers (ASICS), avant de lancer la Blazer, sa première chaussure de basket. Puma tente de rivaliser avec la Suède et la Clyde, en vain. Pourtant, suite à un litige avec des distributeurs, la Superstar tarde à apparaître dans les magasins américains.

LE PHÉNOMÈNE RUN DMC

La Top Ten arrive en 1979, la Superstar semble décliner. Elle quitte peu à peu les parquets pour atterrir – à la surprise générale – dans la rue à la faveur du courant hip-hop qui émerge. Breakdanceurs et rappeurs s’approprient son look sobre en deux versions (blanche bandes noires, noires bandes blanches), sa résistance et son confort. Histoire de marquer leur différence, il leur arrive de remplacer les lacets originaux par des lacets larges et plats de couleur.  Et, en particulier, le trio des Run DMC, qui formé à Hollis dans le Queens, émerge dans les années 80. Il deviendra, selon les experts, au rap ce que Louis Armstrong est au jazz, Ray Charles au rythm and blues et Elvis Presley au rock. Le groupe avait l’habitude de porter des Superstars (sans lacets, pour rappeler la prison) et des survêtements adidas, assortis de chaines en or autour du cou lors de ses concerts, apportant une touche sportswear au look inédit jusque-là.

Le Groupe Run DMC a fait entrer la Superstar dans la culture hip hop.

Pour eux et pour adidas, les choses basculent le 19 juillet 1986. Alors en charge de la « non-athletic promotion » chez adidas, Angelo Anastasio assiste, stupéfait, au concert mythique donné par les Run DMC dans un Madison Square Garden comble. Le titre « My adidas » fait un carton, les spectateurs n’hésitant pas à brandir leur paire à chaque concert du Raisin Hill Tour, comme un signe de ralliement. « My adidas and me, close as can be, we make a mean team, my adidas and me “chantent les Run DMC.  La chanson n’a en réalité pas pour but de faire la promotion de la marque. Elle est, en fait, la réponse au Docteur Jerrald Dears et à son titre de rap anti-basket « Felon Sneakers » qui proteste contre ce look en vogue, qui, selon lui, empêche l’intégration sociale.

De fait, « My adidas » renverse le stéréotype du B-Boy en revendiquant le fait que porter des sneakers ne signifie pas être une mauvaise personne. Bref, le titre transforme, malgré elle, la marque aux trois bandes en symbole de la street culture et la Superstar en objet culte symbolique pour les B-Boys, mais pas seulement…

« De nombreuses personnes pensent que le hip-hop et le rap ont démarré avec Run DMC, explique Darryl Mc Daniels, le fondateur du groupe. Il y eut des rappeurs avant nous, mais ce que nous avons fait, notamment avec « My adidas », c’est de porter ce son de la rue vers la TV. La perception alors était que le hip-hop était l’apanage des Noirs. Notre succès a fait en sorte que vivre à Beverly Hills, vivre dans le ghetto, être Noir, être Blanc, ce n’était pas un problème, comme de savoir qui vous étiez, pour appartenir à la culture hip-hop ».

Une publicité en faveur de la Superstar et la Pro Model aux Etats-Unis lors de son lancement. @ Adidias

Run DMC signe un gros contrat avec adidas devenant le premier « endorsement deal » d’une marque de sport dans l’univers de la musique : « Je pense que la relation avec adidas a légitimé notre culture. Elle a permis de sortir de la rue pour toucher le mainstream blanc américain ». Le groupe consacré « meilleur groupe de rap de tous les temps » en 2007 par MTV aura une Superstar à son nom en 2011 à l’occasion des 25 ans de leur titre fétiche.

Plus tard encore, d’autres artistes porteront la chaussure sur scène, dans des films ou dans la vie. Certains la célèbreront comme la chanteuse Rita Ora, ou Damian Lillard le basketteur-rappeur des Portland Trail Blazers, ou encore David Beckham. Ou bien la revisiteront comme Pharell Williams en 2015 qui la déclinera en 50 nouveaux coloris. Elle apparait également dans de nombreux jeux vidéo.

Pour expliquer le succès de la Superstar qui n’a que très peu évolué durant ces années, si ce n’est en termes de motifs et de couleurs, des spécialistes de la mode mettent en avant son aspect « intemporel, transgénérationnel et no-gender ». Elle était encore, en 2019, la chaussure adidas la plus vendue aux Etats-Unis.

Cette année, histoire de fêter dignement les 50 ans du phénomène, la marque a décidé de croiser la Supertar avec d’autres modèles mythiques : la Stan Smith, (bonjour la Superstan) et l’Americana (bonjour les bandes bleues et rouges). Enfin, une série limitée de 700 exemplaires, la configure toute blanche avec la signature Prada pour créer l’événement auprès des sneakers addicts. Et ancrer définitivement cette basket dans sa légende.

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About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

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