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ITW George Eddy – Acte 2 : Michael Jordan m’a dit que le basket est populaire en France grâce à moi

Interview

Comme prévu, la suite de l’interview de George Eddy (accordé le 27 août dernier) est à découvrir ce jour. Dans cette seconde partie, Basket Rétro a voulu en savoir plus notamment sur son travail à Canal, ses souvenirs NBA en tant que journaliste, la Pro A, et la Coupe du monde de basket qui se déroule en ce moment et qu’il commente. Bonne lecture.

BR : Avec quels joueurs NBA avez-vous réalisé les meilleures interviews qui resteront à jamais gravées dans votre mémoire ?

GE : Forcément Jordan. On l’a suivi pendant carrément 15 ans. On se connaissait. Il m’avait fait de très jolis compliments. La dernière fois, c’était à Paris en me disant que c’était en grande partie grâce à moi que la NBA est si populaire en France. Ces mots de Jordan m’ont touché profondément. Les interviews de Jordan, je les place en numéro 1. En 1990, j’étais son traducteur, son guide, son animateur quand il est venu à Paris à la salle Géo André en présence de 2 000 personnes et 8 000 autres étaient à l’extérieur. Jordan avait peur de sortir sur le terrain. J’ai réussi à le convaincre qu’il allait être protégé. Et l’événement s’est bien passé. Ensuite pour les interviews, je mettrais Magic en numéro 2, Bird en numéro 3, Jabbar en numéro 4.

J’ai fait aussi une très bonne interview de Charles Barkley. Il est très drôle. Je retiens aussi celle de Scottie Pippen. David Robinson est très intelligent, très gentil. Maintenant, je fais des bonnes interviews avec Parker, Diaw, Tim Duncan, Kobe Bryant. Grant Hill était sympa aussi, très abordable. Kevin Durant et Lebron James sont très abordables. J’ai eu des bonnes discussions techniques avec James par rapport à son shoot avant qu’il corrige ses défauts sur sa mécanique de tir. J’ai eu aussi un super rapport avec Shaquille O’Neal. Je m’entrainais avec lui en Floride. On s’est vu à Paris quand il était dans la capitale où j’étais son animateur pour son concert de rap. O’Neal est presque devenu mon pote à une certaine époque. Donc très bon feeling avec l’ancien pivot.

BR : Et quelles sont les moins bonnes interviews que vous avez réalisées et qui vous ont marqué ?

GE : J’ai eu un mauvais feeling avec Reggie Miller qui m’a pris de haut. Il y en a beaucoup qui m’ont déplu.

BR : J’ai lu aussi que vous aviez un mauvais feeling avec Rasheed Wallace ?

GE : Pas vraiment, Rasheed Wallace était un type spécial, un mec marginal qui rabrouait tout le monde. Il se mettait une carapace par rapport aux médias. Il avait un bon cœur et j’avais des bonnes discussions avec lui quand même. Je n’aimais pas les types arrogants, hautains. J’ai eu un mauvais souvenir avec Larry Brown. Parfois je me suis fait rabrouer par Popovich car il savait que Brown ne m’aimait pas. Et ces deux coachs étaient de grands copains. Le coach des Spurs me voyait arriver avec méfiance au début. Après ça s’est mieux passé.

J’ai eu un gros conflit avec Larry Brown aux Jeux Olympiques d’Athènes. J’étais le seul à poser des questions difficiles en conférence de presse au lieu de lui lécher les bottes. J’avais même des journalistes américains qui voulaient me casser la gueule suite à mes questions difficiles posées à Brown. Je le trouvais arrogant et suffisant. Même cas lorsqu’il entrainait les Detroit Pistons en 2004-2005. Il me voyait arriver avec beaucoup de méfiance. Il avait un coté je sais tout. C’était franchement énervant.

Par contre, avec d’autres coachs, j’ai eu des super rapports comme Doc Rivers, Phil Jackson, c’était super. Pat Riley pareil avec qui j’animais des conférences. Hubie Brown aussi qui au début m’avait pris de haut. Ensuite, il a compris que je connaissais très bien le basket. A la fin, on était des grands copains. Vous faites bien de me poser la question. Je me rends compte que je n’ai pas eu trop de mauvais rapports avec les mecs de la NBA (rires). Ca fait peu en 30 ans.

BR : Cela fait trente ans que vous commentez des matchs sur Canal Plus. Comment prépare t-on à commenter un match de basket ? J’imagine que vous faites un gros travail de recherche.

GE : Tout à fait. C’est ce que Charles Biétry a apporté à la télévision française. C’est drôle, tout à l’heure, je regardais un match sur France 2 (ndlr : interview réalisée le 27 août dernier), qui datait de 1984, année avant que Canal diffuse du basket. Et les commentaires sont affligeants. C’est d’un niveau ridicule. Je ne dirais même pas les noms des commentateurs. Il y a aucun travail, aucune information, aucun sens technique et tactique. C’était deux journalistes lambda. Il se pointait juste 10 minutes avant le match. Il connaissait à peine les équipes. C’est pour ça que Canal a réussi à s’imposer très très vite et à devenir une référence. Biétry, c’était la presse écrite et l’AFP. Donc aucun journalistes et consultants n’avaient le droit de passer sur Canal sans avoir préparé à fond, sans avoir vraiment étudié le sujet de fond en comble. Pour moi Canal est une école merveilleuse. Il n’y avait pas de meilleure école possible. J’étais en apprentissage. J’apprenais sur le tas afin de devenir un journaliste rapidement compétent.

La rencontre George Eddy - Michael Jordan dans les années 90

La rencontre George Eddy – Michael Jordan dans les années 90

BR : Justement dans vos commentaires, vous êtes réputé pour vos jeux de mots et expressions. J’ai fait une petite liste : « mettez vos casques » « jordanesque », « duel en haute altitude », « dunkorama », « pédaler dans la choucroute ». Est-ce préparé ou vraiment improvisé, ça vous vient instinctivement ?

GE : Là c’est plus mon talent à moi. Je disais que « journalistiquement », j’ai beaucoup appris de Biétry mais aussi de Michel Denisot, Philippe Gildas, Pierre Lescure. J’ai côtoyé toutes ces icones de Canal Plus. Ils ont toujours été très ouverts pour me donner des conseils. Moi je les écoutais comme un gamin avec beaucoup d’attention. Quant aux jeux de mots, ça vient plutôt de ma mère qui est très communicative. Elle a été présidente de plusieurs associations en Floride. C’était une femme qui était très active dans notre communauté en Floride malgré le fait d’être aveugle. Elle était très respectée. Donc elle m’a transmis cette facilité de communication. Ainsi, j’ai importé les expressions des grands commentateurs américains comme Chick Hearn qui disait «  Slam Dunk », « Coast To Coast », « Airball ». Je ne les ai pas inventés. Je les ai fait connaître à un nouveau public en France. Ça c’était le point fort au début.

Après les Jeux Olympiques de 92, quand Thierry Rey a commenté le judo en étant complètement déchaîné, j’ai eu le déclic. Et ça m’a donné le droit d’être davantage moi-même. Avant j’étais hyper sérieux, un peu trop même. L’école Biétry, c’était vraiment rigueur et information. A partir de 1992, je me suis donc libéré pour faire plus de « jokes », de jeux de mots. Je me suis lâché et étais plus moi-même devant un micro. A cette époque, j’ai amélioré mon français, et je pouvais faire des jeux de mots en français. J’aimais ça et j’ai vu que ça plaisait au public. C’est là que je m’éclatais le plus.

BR : On retient aussi Gruyère Time qui a marqué les esprits.

GE : J’ai appris cette expression dans un playground à Paris. Je n’ai pas inventé grand-chose. J’essaie de réunir et de synthétiser tout ce que je peux entendre comme expressions. Ça me permet de transmettre aux jeunes et moins jeunes qui regardent les matchs et de leur faire découvrir la culture du basket américain, du sport américain en général avec le Super Bowl aussi. J’ai servi de pourvoyeur d’information sur la culture du basket américain.

« A partir de 1992, je me suis libéré pour faire plus de « jokes », de jeux de mots. Je me suis lâché et étais plus moi-même devant un micro. A cette époque, j’ai amélioré mon français, et je pouvais faire des jeux de mots en français. J’aimais ça et j’ai vu que ça plaisait au public. C’est là que je m’éclatais le plus ».

BR : Vous avez parlé de Chick Hearn, grand commentateur américain qui a commenté de nombreux matchs des Lakers. Qui sont vos autres modèles dans le commentaire sportif ?

GE : En effet, Chick Hearn était celui qui était le plus grand de tous les temps. Comme vous le dites, il a bien sur commenté des rencontres des Lakers jusqu’à sa mort à 86 ans. Tous les commentateurs ont leurs points forts et leurs points faibles. J’ai donc essayé de piquer les points forts des meilleurs et de gommer mes faiblesses. Sur le football américain, il y avait un commentateur qui s’appelle John Madden. C’est de lui que j’ai piqué des onomatopées : « Badaboum », « Boom Boom », « Ba ba ba ba ba ». J’ai copié ça comme sur Hubie Brown où j’ai piqué les statistiques. Même s’il en fait trop, il maîtrise incroyablement bien l’analyse des statistiques. J’aime beaucoup aussi Jeff Van Gundy et Steve Kerr. Ils sont pro, informés, n’utilisent pas trop les chiffres.

Je dis toujours que le commentaire, c’est mettre la bonne parole sur la bonne image au bon moment. Ce n’est pas facile à faire car les plans à la télé durent sept secondes. Il faut sortir votre information pendant que le plan reste sur tels joueurs ou telles séquences. Après faut passer à autre chose, donc ça va très très vite. Il faut avoir les informations en tête. On ne peut pas lire ses notes car on n’a pas le temps. Mais faut préparer des notes pour avoir toutes les infos en tête. 

Pour revenir à Van Gundy, ce qui est fort avec lui, c’est qu’il est drôle, donne son opinion. Il n’a pas peur de dire sa vérité. Même si c’était un coach, son commentaire n’est pas trop « coaching ». Malheureusement, beaucoup d’entraîneurs qui commentent à la télé, ne voient le match qu’au travers du regard d’un coach pro. Ce qui exclu beaucoup de choses comme le feeling des joueurs et le point de vue du spectateur. Et c’est souvent des coachs qui deviennent des consultants. Et ce dans tous les sports à la télé. Des fois, ils sont trop dans le rôle de coach. Moi j’essaie d’être plus équilibrée, et de donner le point de vue du coach mais aussi du joueur et du spectateur. Et ça donne un commentaire un peu plus équilibré.

« Le commentaire, c’est mettre la bonne parole sur la bonne image au bon moment ».

BR : Vous avez des références de commentateurs en France ?

GE : J’aimais bien le tandem Pierre Albaladejo et Roger Couderc sur le rugby. Il y avait l’enthousiasme, la passion de Couderc puis la technicité et la tactique maîtrisées par Albaladejo. C’était un éducateur si on veut. Moi ça fait 30 ans que je joue ce rôle sur les sports américains. Je pense que suis un mélange d’Albaladejo et Couderc. Pour les autres, je reconnais les qualités de Jacques Monclar. Aucun problème, c’est un très bon commentateur de basket. Je pense que Stephen Brun sera un bon commentateur car il maîtrise bien le timing. Ceux que nous avons pris sur Canal comme Laurent Pluvy et Aymeric Jeanneau sont plutôt bons.

BR : A présent, je vais vous donner des noms de journalistes avec qui vous avez commenté des matchs NBA. Pour chacun des noms, associez quelques phrases pour chacun. Je commence par Eric Besnard.

GE : Il est très enthousiaste, très bien préparé. C’est un vrai amoureux du basket car il a joué quand il était gamin. Il était tout à fait crédible.

BR : Gregoire Margotton

GE : Lui, il a pas joué au basket. Mais c’est un journaliste hyper professionnel, tout à fait dans le moule Canal. Il commentait très très bien. Il restait bien à sa place. Il me donnait beaucoup d’espaces pour m’exprimer. Je m’entendais super bien avec lui. C’est toujours le cas aujourd’hui d’ailleurs. Et puis je suis fier car beaucoup de ces journalistes ont commencé avec moi avant de partir vers le foot et de devenir de très grands commentateurs reconnus. Thierry Gilardi aussi, a débuté ses commentaires avec moi avant le foot. J’ajouterais aussi Thierry Dugeon qui avait présenté Nulle Part Ailleurs une année et avait commencé avec moi sur le basket. Je m’entendais aussi très très bien avec Bruno Poulain. On est de la même époque, c’est un peu comme mon frère jumeau.

BR : Xavier Vaution forcément avec qui vous avez travaillé sur plusieurs émissions basket sur Canal.

GE : C’est un peu mon petit frère. Il faisait partie de la nouvelle génération à Canal. Il s’identifiait plus avec le basket et il y avait plus de place pour lui dans le basket que le foot sur Canal. C’était un créneau opportuniste pour lui. Il a bien saisi l’opportunité. On a du commenté presque 12 ans ensemble. On a fait beaucoup de nuits blanches les vendredis en commentant les matchs. On ne sait jamais engueuler. On a toujours eu une entente parfaite. Je m’en réjouis. En parlant des autres tout à l’heure, c’est pareil, je ne me suis pratiquement jamais engueulé avec eux. C’était des professionnels qui étaient bien préparé, qui tenaient bien leur rôle et il me laissait gérer le côté tactique et technique du commentaire.

BR : David Cozette

GE : C’est un grand pro. Quand il était jeune. Il me regardait commenter. Je pense qu’il s’en est inspiré après pour sa carrière. Comme Eric Besnard, il joue au basket avec notre équipe de journalistes deux fois par semaine. Il joue régulièrement et aime ça. C’est un passionné. Il est comme les autres. Il arrive bien à faire sentir son enthousiasme. Il l’est plus sur les commentaires des matchs de l’équipe de France et du championnat de France où il est incollable. C’est un bon promoteur du championnat de France à travers Sport Plus et Canal Plus Sport. C’est important et c’est devenu une plaque tournante au niveau de la Fédération, de la Ligue et de Canal.  Il ne s’occupait pas trop de la NBA et laissait ça à Xavier Vaution qui adorait cela. C’était un bon partage des tâches.

BR : Justement, vous évoquiez précédemment les journalistes qui jouaient au sein de l’association Canal Bulls. Pouvez-vous nous dévoiler qui sont les meilleurs basketteurs de la rédaction Canal ?

GE : Vincent Alix, journaliste d’Intérieur Sport. C’est un ancien joueur de Nationale 3. Besnard était pas mal mais il joue plus.Nicolas Baillou qui commente aussi le basket français est très bon. On a des jeunes comme Joris Sabi et Clément Cotentin qui sont aussi des joueurs de clubs. Ce sont des vrais joueurs. C’est une particularité de Canal, celle de choisir des recrues de ce type : des vrais journalistes et aussi des vrais basketteurs. Forcément, ça se ressent dans le travail. Ils aiment ça avec leurs tripes. Antoine LeRoy qui travaille pour Intérieur Sport, est un bon joueur aussi. Xavier Vaution était un bon joueur de tennis. Il a tâté un peu de ballon mais ne jouait pas si souvent avec l’équipe. Samyr Hamoudi était un bon joueur de football américain et un très bon basketteur. Monclar avait les genoux en vrac. Il ne pouvait pas jouer avec nous mais il aimait ça.

BR : Canal a perdu les droits de la NBA il y a 2 ans. J’imagine que ça a du être un pincement au cœur de ne plus commenter des matchs NBA après plus de 28 ans de diffusion sur cette chaîne.  

GE : C’était plus qu’un pincement au cœur. C’était un traumatisme (rires). Quand vous avez rendu services pendant 28 ans à promouvoir un produit, et de leur perdre du jour au lendemain, ça vous met un coup sur la tête.

« Quand vous avez rendu services pendant 28 ans, à promouvoir un produit qu’est la NBA, le perdre du jour au lendemain, ça vous met un coup sur la tête ».

BR : En commentant énormément de matchs à travers les différentes époques, quelle différence faites-vous dans le basket masculin au niveau technique et tactique jusqu’à maintenant ?

GE : Il y a des cycles. Si on regarde bien, les années 80, c’était le basket d’attaque. Ensuite les années 90 avec les Pistons, les Knicks et leur défense. Et les Bulls qui défendaient bien aussi. C’était devenu quand même un basket plus défensif comme en Europe et à travers le monde aussi. Les scores baissaient, c’était devenu trop tactique, trop « yougoslave » à mon sens. A partir des années 2000, on revit une période du basket offensif car ils ont changé les règles notamment en NBA et en FIBA pour essayer d’améliorer le spectacle via donc ce jeu d’attaque. J’aime ce qu’est le basket d’aujourd’hui. Je n’ai pas trop aimé le fait que pendant longtemps on ne recherchait que des athlètes surdimensionnés avec la taille et les qualités physiques.

La beauté du basket, c’est que quelqu’un comme Larry Bird qui n’était pas du tout athlétique pouvait être le meilleur joueur du monde grâce à sa technique, son travail individuel et son sens collectif. Dans la même lignée que Bird, Boris Diaw ne saute plus très haut. Il sait tout faire au sol avec ses feintes, ses fondamentaux. Tim Duncan, c’est à peu près pareil. Il ne faut pa forcément recherché à tout prix des géants. Il y a un autre phénomène, celui de recruter des arrières de 2 mètres à l’image de Magic.

Maintenant des joueurs de petite taille comme Tony Parker, qui gagne grâce à leur vitesse d’exécution, sont devenus rentables et utiles dans le basket de très haut niveau. Je trouve que le basket d’aujourd’hui a beaucoup d’atouts et à tout pour plaire. Je ne suis pas dans la mouvance nostalgique « c’était forcément mieux avant ». Il y avait de bonnes choses dans le passé. Aujourd’hui, le basket mélange à la fois le physique, la technique et la tactique. Ca produit quand même un bon spectacle.

BR : Dans le basket d’aujourd’hui, vous commentez aussi les matchs du championnat de France de Pro A. Depuis 10 ans, on voit différentes équipes championnes de France. Voyez-vous cela comme un problème qu’un club ne gagne pas si régulièrement le titre ?

GE : C’est paradoxal car pour l’intérêt du championnat c’est mieux d’avoir beaucoup d’équipes qui peuvent être championnes, ce qui s’est traduit par huit champions différents pendant huit ans quelque chose comme ça. Par rapport au championnat, c’est un atout car il y a beaucoup de villes, beaucoup d’équipes qui pensent pouvoir être championnes. Ca s’appelle la parité. Et ça c’est la très grande force de la NFL, le championnat de football américain aux Etats-Unis par exemple. Ce n’est pas toujours les mêmes qui gagnent. Par contre, si on veut passer le cap supérieur et être performant au niveau européen. On avait vu par le passé que c’était mieux d’avoir deux ou trois clubs phares avec de très gros budgets, qui dominaient le championnat et qui brillent en Coupe d’Europe comme Limoges, Pau ou l’Asvel dans les années 80 et 90. Le problème se pose ainsi. Est-ce que la priorité est d’avoir un championnat très fort et très intéressant ou c’est celle où les équipes brillent au niveau européen ? A chacun de faire son choix.

Canal diffuse la Pro A. Notre intérêt et notre priorité est que ce championnat soit le plus fort et le plus équilibré possible. Notre deuxième priorité c’est l’équipe de France, si on a une Pro A très forte avec des joueurs français qui se forment et qui progressent, ça aidera l’équipe nationale par la suite à rester très forte. Là, je prêche pour ma paroisse en tant que consultant et journaliste Canal. La situation actuelle nous convient très bien. On a perdu les droits de l’Euroligue, on ne diffuse pas l’Eurocoupe. Pour nous, ce n’est pas un problème que les résultats dans ces coupes européennes ne soient pas au rendez-vous. Je comprends que pour l’intérêt général du basket français, il serait idéal d’avoir quand même 5-6 équipes qui peuvent jouer le titre tous les ans, et 2-3 équipes qui peuvent aller en demi-finale ou finale des coupes européennes.

George Eddy (c) SipaBR : Les clubs français ont du mal à atteindre le Top 16 et le Final Four de l’Euroligue et donc à briller sur la scène européenne. Quelles sont les solutions pour remédier à cela ? On attend toujours le successeur de Limoges qui a gagné en 1993.

GE : Les dernières années, on n’a pas eu de bol. Très souvent, la qualification se jouait sur un match, sur plusieurs possessions. C’est le cas de Cholet qui n’est pas passé loin d’accéder au Top 16. Nancy également. On aurait pu accrocher le Top 16 plusieurs fois et souvent pour une défaite de trop, on rate la marche. On a des budgets comparables avec le Partizan Belgrade, les clubs allemands. Et ces équipes vont au Top 16. On n’est pas si loin. Mais il faut que les clubs donnent des priorités en Coupe d’Europe. Ce n’est pas toujours le cas. Ils ne jouent pas toujours leur chance à fond. Question de priorité, de mentalité. C’est clair que ça passera par des budgets.

Là on surfe sur une bonne vague. On est champion d’Europe. Tony Parker s’est dit que c’était le moment d’investir dans un club français. Il a montré l’exemple avec l’Asvel. Avec son aura, il a réussi à se faire inviter pour le tournoi qualificatif  de l’Euroligue avec Villeurbanne. C’est clair que l’on va dans la bonne direction. Tony Parker dirige un club, va grandir avec des actionnaires, a un projet d’une nouvelle salle. Dans 5 ans, Villeurbanne devrait représenter une place forte dans le basket européen.

Après, on parle de l’argent du Qatar à Paris-Levallois. Ca a l’air de patauger. C’est un point d’interrogation. Moi j’ai de grands espoirs pour Limoges. Ils remplissent leur salle avec 6 000 spectateurs payants à chaque match. Ca représente beaucoup d’argent. Ils sont très soutenus dans la région du Limousin. Ils ont un bon budget. Je vois bien Limoges jouer une place au Top 16 cette saison en Euroligue. Ils ont un effectif pour cela, un président qui connait le haut niveau. J’ai de grands espoirs pour eux. Je pense qu’un club comme Strasbourg représente une ville très européenne, a une grande salle, un grand coach, des dirigeants sérieux, un effectif étoffé. On a pas mal d’atouts. On avait tendance ces dernières années à surcritiquer le basket français, la Ligue, la Fédération toujours à travers un manque de résultats en Coupe d’Europe. C’était excessif. On ferait mieux de compter sur nos atouts au lieu de se tirer en permanence sur la table.

BR : Vous allez commenter la Coupe du monde sur Canal Plus. Quel sera le dispositif du groupe pour cet événement ?

GE : On fait le maximum comme pour le championnat d’Europe 2013 en Slovénie. Les matchs de l’équipe de France sont à voir sur les chaines de Canal+ Sport, Canal+ Décalé, Canal+ Premium. Les autres matchs sont sur Sport+. Ludovic Deroin accompagne moi et David Cozette pour faire les interviews. On a une équipe complète. On a des jeunes et des consultants à Paris pour commenter les matchs des autres poules dont celle de Team USA qui jouera à Bilbao. On ne ratera rien des meilleurs matchs, meilleures affiches. A partir de la phase éliminatoire, on verra tous les matchs.

BR : Selon vous, quels seront les favoris à ce mondial ? On sait que Team USA est décimé par l’absence des grandes stars.

GE : Oui mais il leur reste beaucoup de grandes stars quand même. C’est de loin l’équipe la plus talentueuse même par rapport à l’Espagne surtout sur les postes extérieurs où elle est nettement plus forte. L’Espagne va être l’équipe la plus forte à l’intérieur : les deux frères Gasol plus Ibaka. Je vois quand même l’Espagne gagner le titre car elle joue à la maison. C’est le couronnement d’une génération dorée autour des Gasol, Navarro, Rudy Fernandez et Rodriguez. Chez Team USA, certes Kevin Durant va manquer mais ils vont compenser avec Curry, Harden, Rose. C’est incroyablement talentueux. Etats-Unis et Espagne sont les deux archis favoris. Après la France peut jouer la médaille de bronze avec l’Australie, la Lituanie, la Grèce, la Serbie, la Croatie et le Brésil. On est dans la deuxième fourchette.

La France a un tableau plutôt confortable sachant qu’on joue dans la poule la plus forte au premier tour, ce qui nous permet d’éviter en huitième de finale les équipes comme Brésil, Serbie. Elle va croiser avec les équipes du groupe B : Grèce, Croatie. On peut perdre contre ces équipes mais les battre aussi. On a battu les grecs et les croates en matchs de préparation.  Nous avons toutes nos chances. Le plus important est d’éviter l’Espagne le plus longtemps possible et de les retrouver en demi-finale. S’il y a exploit, c’est grandiose. Si on perd, il faut jouer à fond la médaille de bronze. Si elle l’a, ce serait déjà un exploit en l’absence de Tony Parker et Nando de Colo.

BR : J’en viens au fait que vous organisez souvent en été des camps d’entraînement à Paris, et entraîniez des stages pendant les vacances scolaires au Vésinet ouvert a tous. Quels conseils donnez-vous à ces jeunes pour s’améliorer au basket et ceux qu’ils ont l’objectif de devenir pro ?

GE : Oui je suis un moulin à conseil. J’ai appris à savoir qu’on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Je donne des conseils à ceux qui veulent bien m’écouter. Je ne perds pas mon souffle avec les autres. Pour les jeunes, mon point fort, ce sont les fondamentaux. J’essaie de dire surtout à des jeunes joueurs athlétiques que plus il passe de temps à travailler leurs shoots, leurs dribbles, la passe, les feintes, le coté fondamentaux, plus ca leur permettra de devenir plus fort à long terme. Ca c’est mon discours sur le travail individuel. La beauté du basket, c’est qu’on peut beaucoup progresser tout seul comme j’ai fait quand j’étais gamin. Tu prends un ballon, une paire de chaussures et un panier. Après à deux, on peut faire du un contre un, 2vs2, 3vs3, 4vs4, 5vs5. L’avantage du basket, c’est qu’on trouve toujours le moyen de travailler, de progresser. Mon discours auprès des jeunes, c’est plutôt ça.

Je me rends compte que c’est très difficile de devenir professionnel. Il ne faut pas faire miroiter des rêves irréalisables non plus. Aujourd’hui c’est dommage qu’on soit dans le côté analytique, que ce soit en NBA ou ailleurs. On va prendre les gamins à 10 ans car ils sont grands et ont des longs bras. Parfois, on va peut être rater certains joueurs qui compensaient avec un mental très très fort comme Tony Parker. Tout le monde disait à TP qu’il ne pourrait jamais faire carrière, était trop frêle, petit, léger, n’avait pas de shoots. Mais mentalement, il était tellement fort. Il a compensé cela avec sa vitesse pour devenir pratiquement l’un des meilleurs meneurs au monde. Ce serait dommage de rater d’autres Tony Parker à l’avenir.

BR : J’en viens à ma dernière question. Un mot pour nos lecteurs et l’équipe de Basket Retro.

GE : Vous êtes dans le même créneau que Bball Channel, votre partenaire que vous connaissez bien. Je trouve ça très très bien que la jeune génération puisse voir des anciens matchs, lire des articles par rapport aux années 60, 70, 80 et 90. A ces époques, il y avait des joueurs fantastiques, des équipes extraordinaires. Le basket n’a pas été inventé par Lebron James, Kobe Bryant ou Kevin Durant. Forcément des sites comme Basket Rétro et Bball Channel sur lesquelles on trouve une richesse presque inépuisable d’information permettent d’améliorer la culture basket de n’importe quels jeunes et personnes aujourd’hui. Et c’est grâce à vous.

Un grand merci à George Eddy pour sa disponibilité et de s’être entretenu avec Basket Rétro.

Propos recueillis par Richard Sengmany

Retrouvez ci-dessous les différentes vidéos de George Eddy grâce à notre partenaire Bball Channel : bballchannel.fr – George Eddy

Lors de la centième émission d’Eddy Half Time, ancien magazine sur la NBA diffusée sur Canal Plus, on peut voir un George Eddy en pleine forme

Ci-dessous quelques vidéos des commentaires légendaires de George Eddy :

Le blog de George Eddy : George Basket Blog

About Richard Sengmany (354 Articles)
Découvrant le basket dans les années 90 grâce à la diffusion des matchs NBA sur Canal+, je rédige depuis plus de dix ans des articles sur la balle orange, sur d'autres disciplines sportives et la culture.

2 Comments on ITW George Eddy – Acte 2 : Michael Jordan m’a dit que le basket est populaire en France grâce à moi

  1. Chick Hearn, et non ‘Harn’… sinon belle interview complète

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  2. Ca va le melon George…

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